Plat du jour - Société

Valéry Giscard d’Estaing n'est plus, le potage V.G.E reste

Ecrit par Fred Ricou le 03.12.2020

Valéry Giscard d’Estaing est décédé hier soir à l’âge vénérable de 94 ans. Culinairement parlant, Paul Bocuse a laissé ses initiales, V.G.E, à un potage aux truffes noires dont raffolait l’ancien président. La petite histoire dans la grande et les petits plats dans les grands…

 

Montage avec photo Instagram Kévin Bardau et V.G.E (Domaine publique)

 

Valéry Giscard d’Estaing était un gourmet. À la même époque de son septennat,  la Nouvelle Cuisine va faire son apparition, au même titre que la Nouvelle Vague au cinéma et le Nouveau Roman en littérature. Une cuisine plus légère, plus concentrée en saveurs, moins grasse et dont le chef de file n’est autre que Paul Bocuse, en personne. 

 

Le deuxième président de la Ve République est alors fasciné par cette nouvelle cuisine qui arrive. Même s’il aime les plats populaires tels que les œufs brouillés « un plat simple, mais difficile à réaliser », il n’hésite pas à le parsemer de lamelles de truffes, son péché mignon. A contrario, la cuisine « paysanne » le laisse de marbre, contrairement à Pompidou, son prédécesseur, un grand amateur de la cuisine qui mijote pendant des heures. 

 

En 1975, Paul Bocuse reçoit une lettre gag à l’en-tête de l’Élysée lui annonçant qu’il allait recevoir la Légion d’honneur. Le gag remonte aux oreilles du président en place, celui-ci décide alors de le prendre au sérieux et envoie alors une véritable invitation officielle de l’Élysée pour « réellement » inviter le chef de de Collonges-au-Mont-d’Or à recevoir l’honorifique décoration. C’est la première fois qu’un cuisinier l’obtient. 

 

Cependant, ce n’est pas pour sa cuisine que Valéry Giscard d’Estaing va remettre la Légion d’honneur à Paul Bocuse, mais pour ses faits d’armes lors de la Seconde Guerre mondiale. La date est donc fixée au 25 février 1975. 

 

Honoré par cet événement, Paul Bocuse ne peut s’empêcher de le faire partager à ses amis cuisiniers. Ainsi, comme le cite Robert Belleret dans sa biographie « Paul Bocuse, l’épopée d’un chef » (Éditions de l’Archipel) : « L’Élysée avait déjà une bonne brigade, mais en renfort, j’ai amené Jean et Pierre Troigros, Alain Chapel, Michel Guérard, Roger Vergé, Louis Outhier, Paul et Jean-Pierre Haeberlin […]. Et puis j’ai demandé au président d’accueillir à sa table non seulement cette belle équipe, mais aussi le chef de l’Élysée, Marcel Le Servot, qui n’avait évidemment jamais  eu cet honneur auparavant ». Chaque chef va alors préparer un plat bien précis pour une vingtaine de convives. 

 

Pour l’évènement, Paul Bocuse a l'intuition de reprendre un peu l’idée de son confrère alsacien Paul Haeberlin où quelques semaines avant, il avait, lors d’un dîner, dégusté une « truffe entière enveloppée avec des dés de foie gras dans une pâte feuilletée, le tout présenté dans une petite cocotte blanche que l’on utilise pour les soufflés » à cela, explique encore le biographe, le chef était également allé, quelques temps auparavant, rendre visite à un vieux paysan qui l’avait incité à mettre quelques morceaux de truffes dans sa soupe aux légumes et à la viande. Bingo, celle qui deviendra la soupe V.G.E commence à prendre forme dans la tête de Bocuse et se concrétisera avec la collaboration de son chef exécutif, Robert Dubuis. 
 

 

 

L’anecdote qui suit est célèbre : le Président est surpris par cette petite soupière surplombée d’un dôme en pâte feuilletée, il demande alors à Paul Bocuse la manière qu’il faut avoir pour déguster ce plat. La réponse malicieuse de Paul Bocuse restera dans les annales de la gastronomie « Il faut casser la croûte ! »

 

Le menu, par la suite, fait rêver : Escalope de saumon de Loire à l'oseille de Jean et Pierre Troisgros ; Canard Claude Jolly de Michel Guérard ; Petites Salades du Moulin de Roger Vergé ; fromages ; et gâteau au praliné, chocolat et cerises confites, baptisé Président du chocolatier lyonnais Maurice Bernachon. Autant dire, le florilège de ce que l’on pouvait déguster de meilleur à l’époque. 

 

Le potage V.G.E reste et restera comme un des emblèmes culinaires français. Elle est d’ailleurs aujourd’hui toujours à la carte du restaurant gastronomique de feu Paul Bocuse à Collonge-au-Mont-d’Or, et sert même d’iconographie, avec une photo de Patrick Rougereau, aux différents menus sur le site du restaurant.

 

Valéry Giscard d’Estaing était un gourmand qui s’assumait comme tel. On le savait également fan des profiteroles au chocolat, mais ça, c’est une autre histoire...

 

Mots-clés : Valéry Giscard d’Estaing - Paul Bocuse - Soupe VGE

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/societe/valery-giscard-d-estaing-n-est-plus-le-potage-v-g-e-reste/3205