C’est l’un des jeunes chefs candidats qui est rapidement devenu le chouchou du public de cette édition 2020. Son talent, sa créativité et son humilité font de Mory Sacko un jeune chef que l’on va suivre dans ses futurs projets pendant très longtemps. Rencontre.
Photo (© Marie Etchegoyen / M6)
Comment avez-vous vécu ces 11 épisodes de Top Chef ?
À fond ! J’étais plutôt du genre à prendre les semaines les unes après les autres. J’ai profité et je pars sans aucun regret.
Les téléspectateurs n’ont pas eu l’impression, effectivement, que les épreuves vous stressaient…
Non, je suis rarement stressé. Pour un concours, je me disais que cela pourrait être une force et effectivement, cela m’a servi pour les dernières chances. Je stresse rarement, je minimise les choses, et je reste optimiste… Il a y pu avoir de la tension, à certains moments, mais pas de stress…
Arriver à passer les différents épisodes quasiment à chaque dernière chance, comment est-ce que cela se vit par rapport aux candidats qui n’en font que très peu, voire jamais ?
Pour moi, les dernières chances sont l’essence pure de Top Chef. Une heure, un produit, et souvent en face-à-face… On ne peut pas tricher ! On n’a pas le temps de se récupérer si l’on est parti dans la mauvaise direction… Pour moi, c’était cool ! Pour certains, la dernière chance est vraiment tout ce qu’ils craignent… Moi, je n’y allais pas forcément avec plaisir, mais au moins avec de bonnes ondes !
Alors, dites-nous, que s’est-il passé hier soir ?
Sur ce dernier épisode pour moi, c’étaient un peu les montagnes russes. Sur la construction du resto, j’étais à fond, j’étais hyper content, le restaurant a ouvert. Et sur le service… black-out total ! Je n’ai pas envie d’accabler mon coéquipier (ndrl : Martin Feragus). Quand on est en équipe, l'on gagne ou l’on perd ensemble. Là, nous avons perdu dans les grandes largeurs. C’était une mauvaise expérience. Je dis souvent que si cette épreuve, nous la recommencions, 9 fois sur 10, ça ne se passerait pas comme cela. C’était la soirée sans. Ce n’est pas passé.
Sur Twitter, vous avez dit, non sans humour, que vous étiez passé de Top Chef à Cauchemar en cuisine. C’est exactement ce qui s’est passé pendant l’épreuve ?
Oui, oui, je n’ai pas connu beaucoup de services comme cela dans ma carrière. D’habitude, en plus, je suis en cuisine et pas en salle, donc je ne prends pas les remarques. Là, de l’entrée au dessert, il n’y avait rien qui allait… À la toute fin, les chefs en off étaient très mal pour nous. Après coup, j’en rigole, mais sur le moment, ce n’était pas très drôle…
Quand Top Chef rencontre Cauchemar en Cuisine #TopChef
— morysacko_topchef (@MorysackoT) April 29, 2020
Et la dernière chance ?
Et sur la dernière chance, je suis arrivé moins inspiré. Mentalement, je pensais avoir récupéré, mais en fait pas du tout… Parfois, on se persuade de choses qui ne sont pas vraies. Je n’ai pas réussi à mettre ce grain de folie et ce petit truc qui passaient à chaque fois…
La fatigue a dû jouer aussi…
Oui, de par mon parcours, où les semaines d’avant j’ai participé à toutes les épreuves. À la télé, c’est une fois par semaine. Nous, nous avons enchaîné. La Guerre des Restos, c’est une épreuve très fatigante où l’on finit très tard. Il y a de la fatigue accumulée et cela joue aussi. Il m’a manqué le jus que j’avais d’habitude…
Et à l’annonce de Diego vainqueur, comment l’avez-vous vécue ?
Honnêtement, je ne l’ai pas mal pris. Quand j’ai fini l’épreuve, je n’étais pas emballé par ce plat. Je me disais que c’était un plat avec lequel je pouvais me faire sortir. Je l’avais envisagé et à la dégustation, j’étais sur du 60/40. Quand la décision est tombée, je me suis dit « bon, ben voilà, quoi… ». Il n’y a pas de révolte en moi, c’est le jeu…
(© Marie Etchegoyen / M6)
Vous êtes d’origine malienne. À un moment, vous faites référence à la cuisine malienne, avec le « pigeon yassa » qui se prépare d’habitude plus avec du poulet. Pourquoi si peu de références ?
J’aime bien prendre des inspirations dans la cuisine africaine, justement. Mais j’ai pu le faire une fois parce que j’attendais d’avoir les éléments. Ce qui me permet de développer cette cuisine. On sait que les éléments dans les cuisines africaines et occidentales ne sont pas les mêmes, donc on fait avec ce qu'on a dans le garde-manger. J’ai vu qu’il y avait du pigeon. J’en parle à Adrien qui connaît un peu la cuisine africaine… Un yassa, on sait que ça se prépare avec du citron et des oignons et qu'on va les trouver. C’était plus une question d’opportunité, en fait. Je voulais au moins faire un plat afro, mais mettre à chaque fois l’Afrique dans le plat, cela aurait pu être réducteur pour moi au point que l’on m’identifie immédiatement à ça. C’est un jeu d’équilibriste, mais je voulais le faire au moins une fois…
Vous avez prévu d’avoir votre propre restaurant. Cela pourrait se faire quand et où ?
Pour mon restaurant, tout est prêt ! Il devait ouvrir au mois de juillet, mais c’est plutôt repoussé à septembre. Je suis en train de finaliser les derniers détails. Ce sera à Paris, sur la rive gauche…
Le but serait de tabler sur une étoile ?
Oui, cela va être une cuisine gastronomique avec des codes que l’on trouve totalement dans la gastronomie. Ce sera une carte avec un menu unique. Peut-être déclinable dans le temps. Un vrai restaurant gastronomique qui vise l’étoile et toutes les distinctions possibles…
Comment avez-vous vécu le confinement ?
Il commence à être un peu long… En tant que restaurateur, nous avons l’habitude d’être toujours à droite, à gauche, aux fourneaux… Pour moi, ce confinement, cela a été un retour à l’adolescence. Je ne connais plus le matin, je me réveille à midi, je joue à la console, mais ce n'est pas grave… Cela permet de recharger les batteries, de bosser mes projets et d’affiner tout le reste. J’ai quand même énormément d’administratif à faire, ça me laisse le temps de bosser là-dessus…
Avant le confinement, vous aviez prévu un dîner à 4 mains avec Romuald Métellus de Table Métis (Paris 11e). C’est maintenu pour la rentrée, par exemple ?
Nous sommes en discussion pour voir si cela va être maintenu. Je n’ai pas forcément envie que cela se téléscope avec l’ouverture de mon restaurant. On est en train de voir peut-être pour juillet…
Est-ce que vous sentez justement qu’il y a une sorte de renouveau des cuisines africaines avec des chefs de votre génération ?
Oui, sur les cuisines africaines, il y a une réelle envie de faire différemment. Il y a un vent nouveau et je vois qu’il y a beaucoup de chefs d’origine africaine qui n’ont plus peur d’utiliser leur identité dans leur cuisine…
… et de se faire engueuler par leur mère si la recette n’est pas respectée ?
Oui !!! (rires) et ça, c’est le risque. On n’y coupera pas ! Quoi qu’il se passe, je me ferai engueuler…
Mots-clés : Mory Sacko - Top Chef 2020 - Cuisines africaines fusion