Jeune figure de la cuisine française, Hélène Clément n’est pas derrière les fourneaux. Spécialisée dans la communication, elle a pourtant toujours vécu dans les casseroles en cuivre de la cuisine gastronomique paternelle. Aujourd’hui, elle fait face à un défi de taille et pour s’aider à réfléchir, elle a créé, tout simplement, il y a quelques mois le podcast « Une cuillère en argent ».
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Marie-Christine, Hélène et Didier Clément ©Valerie Semensatis
Dans ce Grand Hôtel du Lion d’Or à Romoratin, c’est une enfant de la salle. Son père Didier Clément est chef du restaurant depuis 1980 et Hélène y a toujours vécu. Le grand public ne la connaît pas, mais une grande partie des cuisiniers français et des professionnels de la gastronomie savent très bien qui est Hélène Clément.
La semaine à Paris, le week-end en Sologne,elle est consultante en communication de chefs cuisinier. Hélène Clément est à la fois l’héritière directe du Grand Hôtel, mais doit également arriver à mener sa propre vie professionnelle qui, elle le sait, la rapproche un peu plus tous les jours de la petite ville familiale.
À 33 ans, Hélène a lancé il y a quelques mois un podcast fascinant « Une cuillère en argent, le podcast qui relève le défi ». Bonne élève, elle ne s’est pas lancée toute seule dans l’aventure, et elle a du prendre des cours dans une école de journalisme pour apprendre à poser sa voix et faire du montage.
Avec « Une cuillère en argent », Hélène Clément joue sur, et avec, les mots. L’expression « naître avec une petite cuillère en argent » est synonyme, comme chacun sait, d’être bien né. Alors que les cuillères étaient à la base faite en bois puis en étain, dans les familles riches, le parrain d’un nouveau-né avait coutume de lui offrir une cuillère en argent. Symboliquement, la cuillère veut dire que celui-ci est à l’abri de la faim et l’argent ajoute à cette démonstration de richesse. « Je voulais recentrer le propos. Je ne voulais pas tomber dans le cliché. Expliquer que c’est une chance, parce qu’il y a un savoir faire, un patrimoine très français, qui fait rêver en France et à l’International, sur les métiers de bouche. Étant moi-même dans ce questionnement de reprendre une affaire familiale ou pas, j’ai voulu savoir comment avaient fait les autres, s’il y avait une recette miracle ou pas… Tous les gens que j’ai rencontrés et que je continue de rencontrer m’apportent beaucoup d’enseignement… » explique à 7deTable la nouvelle podcasteuse…
En parallèle d’une jolie carrière parisienne, elle est obligée de revenir vivre plus vite que prévu dans la maison familiale. Elle sait, au fond d’elle, qu’elle devra reprendre l’affaire un jour ou l’autre, mais elle ne pensait pas qu’elle devrait s’y mettre aussi rapidement.
Tout le monde attend d’Hélène Clément qu’elle passe la veste de cuisinier afin de reprendre l’affaire familiale : « Je pense qu’il y a des exemples de repreneur sans passer par la veste blanche » et ici aussi, elle est en phase d’apprentissage « J’apprends un nouveau métier, j’apprends le métier de mes parents, j’apprends à diriger un hôtel Relais&Château, j’apprends à manager des équipes… ».
« Une cuillère en argent » lui permet donc d’échanger avec des professionnels qui se retrouvent dans ce même état d'esprit. André Terrail, petit fils… d’André Terrail qui a repris le célèbre restaurant de la Tour d’Argent sur les conseils d’Auguste Escoffier est le premier de la série. « J’essaye de penser aux entrepreneurs qui se pose des questions, et pour chacun qu’il y ait une petite morale et quelque chose à en tirer… ». Depuis que le podcast a commencé, Hélène Clément a reçu plusieurs messages lui indiquant tel ou tel restaurant qui en est à la troisième génération « Je ne vais pas forcément raconter toutes ces histoires. Il faut qu’il y ait un twist dans chacune. Ça ne peut pas toujours bien se passer. La transmission, c’est quelque chose de douloureux, de difficile, c’est quand même un challenge même quand on s’entend très bien, il y a forcément des visions divergentes. C’est un peu tout cela que j’ai voulu montrer… C’est un podcast sur la transmission choisie… ou pas. »
La restauration n’est pas la seule profession où la transmission entre en jeu. On connaît tous des notaires qui transmettent leur étude à leurs enfants. De la même manière, et souvent, c’est le grand public qui l’attend ou qui le rejette violemment, un enfant de comédien.ne qui se lance dans la même carrière que son parent sera attendu au tournant. Cependant, entre les deux, le notariat ou l’artistique, la différence est certainement au niveau de la passion. La restauration est avant tout, un métier dur, mais surtout un métier de passion : « On a beau être fils de… la passion n’est pas innée. Il faut à un moment donné avoir le déclic et ce n’est pas parce que l’on est né sur place que l’on a reçu la transmission de la passion… » continue d’expliquer la jeune trentenaire. Souvent, pour ajouter au questionnement personnel, ce n’est pas tant son propre regard qui est compliqué, mais celui des autres : « Quand j’ai annoncé un nouveau projet [ndlr : Le podcast] sans forcément en parler clairement, plusieurs personnes m’ont demandé si j’allais ouvrir un restaurant à Paris !! Euh… non ! Je ne sais même pas faire cuire un gratin de pâtes ! »
Parmi les nombreuses questions que Hélène se pose et qu’elle voit ses invités se poser également, il y a évidemment celle de la place personnelle dans tout ceci. Comment être soi-même au milieu de cet héritage ? Comment garder la tradition en sachant la moderniser ? Comment mettre sa patte sans trahir l’histoire du lieu ? : « Parfois, quand je rentre de Paris, j’ai envie d’enlever les nappes, de me faire tatouer, de mettre des trucs rock partout,… et puis finalement non, ce n’est pas l’a.d.n de la maison. J’ai la chance d’avoir des parents avec qui je m’entends très bien, qui sont ouvert à mes propositions et qui ont l’intelligence de me laisser de la place…»
Dans le cadre précisément de la famille Clément, il est nécessaire de dire que l’Hôtel Restaurant du Lion d’Or de Romorantin existe depuis 1774 et qu’il est l’une des rares maisons à être présent dans le Guide Michelin depuis 120 ans ! « Ça nous dépasse ! La marque ou l’Histoire nous dépasse. J’ai mis du temps à me rendre compte qu’un hôtel Renaissance du 17e siècle ne nous appartenait pas. Comme le dit André Terrail : “Nous somme au service de la Tour d’Argent” et bien moi, je suis au service de L’Hôtel du Lion d’Or. C’était là avant moi, c’était là avant le Michelin, et ça continuera après moi ! On n’est que de passage… Comment est-ce que l’on s’inscrit dedans ? »
2020 : le Grand Hôtel du Lion d’Or célèbre 120 ans de présence dans le @guideMichelinFR ! Hôtel Restaurant sans discontinuer depuis 1774, nous sommes l’une des rare maison présente dans le guide rouge de 1900 dotée d’un restaurant gastronomique et hôtel de luxe en 2020. pic.twitter.com/7Ob9JUrYRN
— Hélène Clément (@HeleneWorldWine) January 20, 2020
La transmission qu'elle vit est à peine entamée que la jeune entrepreneuse, sans enfant pour le moment, se pose déjà la question de sa propre succession : « Oui, je me pose la question ! La réalité me donne une sacrée claque. Je réalise que ma mère avait raison, celle d’épouser un chef. La stratégie du mariage, on n’a pas trouvé mieux, il n’y a pas de secret… » nous avoue-t-elle en riant.
Avec les invités d’« Une cuillère en argent », Hélène Clément ne compte pas, bien évidemment, rencontrer tous les chefs de la gastronomie française, mais va faire connaître son podcast au fur et à mesure et va surtout avancer personnellement dans ses propres questionnements : « Je parle assez régulièrement avec Mathieu Guibert [ndlr : épisode 2], il est très positif et moi, cela m’a débloqué pour quelques petites questions que j’avais. Quand je vais voir Joseph Biolatto [ndlr : Épisode 4] du Forum, il me donne des conseils pour gérer les équipes, des petits trucs de R.H. C’est intéressant de discuter de ça avec des jeunes de mon âge. » La jeune femme souhaite montrer différents métiers sur ces problématiques. C’est une série d’émission qui touche non pas que les professionnels de la restauration, mais également tous les métiers où la transmission familiale est en route : « Je reçois des courriers de personne qui n’ont rien à voir avec le secteur et qui me remercient et me dise “Bravo, c’est bien d’y être allé !”
« Une cuillère en argent »
Mots-clés : Podcast Gastronomie - Hélène Clément - Transmission familiale