Plat du jour - Société

Guillaume Gomez, le chef de l'Élysée : « Il faut prendre conscience qu’il y a une saisonnalité ! »

Ecrit par Fred Ricou le 07.12.2018

Guillaume Gomez est présent à l’Elysée depuis 1997. Cela fait plus de 20 ans qu'il est au service des différents présidents qui se sont succédé. Meilleur Ouvrier de France à 25 ans, Guillaume Gomez a fait paraître aux éditions du Chêne en 2017 Cuisine : leçons en pas à pas. La version « jeunesse » vient de sortir ! Nous l’avons rencontré pour qu'il nous parle de ce livre et de l’alimentation des enfants… 

 

La version jeunesse de votre La cuisine, pas à pas, c’est votre idée ou celle de votre éditeur ? 
L’idée ne vient pas de moi, c’est dans la poursuite de ce qu’avait fait mon copain Philippe Uraqua, La Pâtisserie pour les enfants, leçons pas à pas. Moi, cela fait plus de 20 ans que je fais des leçons de goût dans les écoles et l’on voit qu’il y a une appétence, pour les enfants, de se rapprocher de la cuisine. On vit dans un monde connecté et il n’y a plus trop d’enfants qui sont dans les cuisines. On se dit que c’est quand même important de les sortir des écrans, de les sortir de la télé et qu’ils puissent vivre, deux heures par semaine, que cela soit avec des parents, des frères, des sœurs, des oncles,… et pourquoi pas, même en classe, des ateliers, pour ce retour à la terre, ce retour au bon sens, aux choses et leur montrer ce qu’est un peu de cuisine. Ce que l’on a perdu un peu dans les familles ! Ce qui était juste du bon sens il y a quelques années, ne l’est plus aujourd’hui ! Et souvent quand on entend des enfants dire « J’aime pas ci, j’aime pas ça… », ils n’aiment pas, ça arrive, mais le plus souvent, c’est qu’ils ne connaissent pas ! Le nombre d’enfants que j’ai entendu dire « Je n’aime pas les épinards » et quand vous leur faites éplucher les épinards, vous leur faites faire un gâteau d’épinards, tous goûtent et tous aiment ! Je l’ai fait sur une Semaine du goût et ça fonctionne ! Il y a aussi à l’intérieur des recettes pour attirer les enfants, les nuggets de poulet maison, les frites de légumes, et ce livre, je l’ai voulu illustré par une artiste de grand talent, Louison, pour donner envie aux enfants de découvrir le livre et que cela se lise comme une BD. 

Comment l’avez-vous travaillé ? 
Déjà, nous n’avons pas simplifié les recettes. La cuisine peut-être simple, elle n’est pas que compliquée. Il y a quand même des recettes assez complexes dedans. On commence par des choses faciles, comme les brochettes de tomate mozzarella, juste pour leur donner envie d’aller en cuisine. Il y a des enfants qui sauront faire les recettes tous seuls et d’autres qui se feront accompagner et petit à petit, ils s’y mettront. La cuisine, c’est déjà du partage et à partir de ce moment-là, les emmener vers l’envie de cuisiner. 

Est-ce que vous êtes partisan de l’éducation alimentaire à l’école ? 
Je ne suis pas partisan, je suis acteur de cette éducation à l’école ! Je fais des Semaines du goût, je milite pour que le premier repas, le petit-déjeuner, se fasse à l’école, que les enfants arrivent plus tôt et commencent pas un petit-déjeuner, ça commence par là l’éducation. Les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de plus tard, et manger est un acte politique. Il ne faut pas s’étonner si aujourd’hui il y a des problèmes dans l’alimentation et si, derrière, les enfants ne savent pas ce qu’ils mangent. 

Souvent, dans les cantines, les enfants mangent des trucs pas terribles…
Il faut aller voir ceux qui font ça, mais je peux vous dire qu’il y a des gens comme Christophe Demangel qui font des choses dans les cantines avec les mêmes moyens, les mêmes budgets, les mêmes compétences… Moi, je suis un cuisiner de collectivité, je me considère comme ça… Et il faut que ces cuisiniers soient fiers du travail qu’ils font, et avec leur budget de 1 à 3 euros, en fonction d’où ils sont, ils peuvent faire à manger correctement. C’était comme ça dans toutes les cantines il y a 50 ans… Pourquoi à la cantine, on va jeter du poulet alors qu’on ne le ferait pas à la maison ! Avant, il y avait un hachis parmentier par semaine, c’était les restes ! 

Comment peut-on faire pour que cela s’améliore ? 
C’est une prise de conscience de tout le monde, on ne peut pas incriminer telle ou telle personne. On ne peut pas dire que c’est à cause du maire, ou du chef d’établissement ou du chef de cuisine. On le dit souvent, c’est de la fourche à la fourchette. On est des transformateurs, il fallait déjà qu’on éduque le consommateur. Les gens ne produiraient pas de la merde si personne ne la mangeait. Il faut prendre conscience qu’il y a une saisonnalité pour les produits, c’est là où ils sont les meilleurs, c’est là où ils sont les moins chers. Vous mangez des tomates au mois de janvier, elles ne seront jamais bonnes, et même très chères ! On peut dire : « Maintenant, j’arrête les conneries et je mange des poireaux vinaigrette.. » Mais personne ne veut faire le premier pas ! Le premier pas, il doit venir des consommateurs, parce que c’est le consommateur qui décide et qui dit : « Je ne veux pas que l’on me prenne pour un pigeon et je ne veux pas acheter mes tomates 18 € le kilo. J’attends l’été et elles seront meilleures. »

Depuis que vous allez dans les classes, de ce que vous voyez, est-ce qu’il y a une amélioration ou une détérioration dans les rapports des enfants à l’alimentation ? 
Une amélioration. Il y a quand même une prise de conscience. Il y a eu des scandales dans l’agroalimentaire qui ont permis cela. Les gens se sont rendu compte qu’en achetant 1,5 kg de lasagnes à 1,30 euros, ce ne pouvait pas être du bœuf, c’était du poney ! C’est encore une chance que ce ne soit pas autre chose ! Il faut juste revenir à du bon sens. Avant, on ne mangeait pas de la viande deux fois par jour, on élevait nos trucs… Quand on avait des lapins, on en prenait un dans la semaine, on n’en mangeait pas tous les midis ! 

Il y a la génération, dans les années 60-70, qui a commencé à manger n’importe quoi… 
Oui, ils ont arrêté la cuisine, ils se sont dit que c’était très chic de ne plus du tout cuisiner. Le but n’est pas de revenir en arrière. Il faut avancer intelligemment. En ramenant juste du bon sens. Et ce n’est pas une question d’argent ! 50% de ce qu’il y a dans le caddie termine à la poubelle. Si l’on gère correctement en luttant contre le gaspillage alimentaire, en achetant des produits de saison, en les payant moins cher, en mangeant moins de protéines, en mangeant plus varié, des féculents... c’est comme ça que l’on peut augmenter son pouvoir d’achat de 50% ! Et ça, c’est seulement dans l’alimentation ! Et ça doit être pareil dans plein d’autres domaines ! Et, bien évidemment, ça, il faut l’inculquer aux enfants ! Il ne suffit pas de passer à table en disant : « Il est 19 h, mon chéri, qu’est-ce que tu veux manger ? » Un repas ça se prépare, des goûts ça se prépare, des menus, ça se prépare. Préparez le week-end et gardez, congelez, peu importe ! Je ne suis pas contre l’agroalimentaire, il y a de belles choses. Mais l’agroalimentaire, ce qui le dirige, c’est juste les ventes ! Il suffit de n’acheter que de la qualité dans l’agroalimentaire et l’agroalimentaire ne fera que de la qualité !

 

Mots-clés : guillaume gomez - alimentation enfants - agroalimentaire

 

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