Pousse-café - Roman

Obtenir un peu de rab' : quand la faim gagne Oliver Twist

Ecrit par Petit Louis le 14.04.2016

Charles Dickens, auteur renommé du XIXe siècle, a publié les aventures d’Oliver Twist en 24 histoires dans la revue littéraire Bentley’s Miscellany dont il était le rédacteur en chef. Son succès fut grandissant et il devint le romancier le plus apprécié de l’époque victorienne en Grande-Bretagne. Selon la légende, les aventures d’Oliver Twist seraient fondées sur des faits réels d’un jeune orphelin, Robert Blincoe, vivant à Saint Pancras, un quartier londonien. Oliver Twist est admis dans un orphelinat très pauvre où la nourriture n’est guère abondante – les vêtements des enfants devaient même être raccourcis – et où la mendicité est de mise.



Erwan Munro, CC BY SA 2.0

 
Extrait du chapitre II : Comment Olivier Twist grandit, et comment il fut élevé.
 
« À cet effet, ils passèrent un marché avec l’administration des eaux pour en obtenir une quantité illimitée, et avec un marchand de blé pour avoir à des périodes déterminées une petite quantité de farine d’avoine : ils accordèrent trois légères rations de gruau clair par jour, un oignon deux fois par semaine, et la moitié d’un petit pain le dimanche. Ils prirent, relativement aux femmes, beaucoup d’autres dispositions sages et humaines, qu’il est inutile de rapporter : ils entreprirent, par pure bonté, de séparer par une espèce de divorce les pauvres gens mariés, ce qui leur épargnait les frais énormes d’un procès devant la cour ecclésiastique ; et, au lieu d’obliger le mari à soutenir sa famille par son travail, ils lui arrachèrent sa famille et le rendirent célibataire.

On ne saurait dire combien de gens dans toutes les classes de la société eussent voulu profiter de ces deux bienfaits ; mais les administrateurs étaient des hommes prévoyants et avaient obvié à cette difficulté : pour jouir de ces bienfaits il fallait vivre au dépôt, et y vivre de gruau ; cela effrayait les gens.
 
Six mois après l’arrivée d’Olivier Twist, le nouveau système était en pleine vigueur. Dans le début, il fut un peu coûteux ; il fallut payer davantage à l’entrepreneur des pompes funèbres, et rétrécir les vêtements de tous les pauvres, amaigris et réduits à rien après une semaine ou deux de gruau ; mais le nombre des habitants du dépôt de mendicité diminua beaucoup, et les administrateurs étaient dans le ravissement.
 
L’endroit où mangeaient les enfants était une grande salle pavée, au bout de laquelle était une chaudière d’où le chef du dépôt, couvert d’un tablier et aidé d’une ou deux femmes, tirait le gruau aux heures des repas. Chaque enfant en recevait plein une petite écuelle et jamais davantage, sauf les jours de fête, où il avait en plus deux onces un quart de pain ; les bols n’avaient jamais besoin d’être lavés : les enfants les polissaient avec leurs cuillers jusqu’à ce qu’ils redevinssent luisants ; et, quand ils avaient terminé cette opération, qui n’était jamais longue, car les cuillers étaient presque aussi grandes que les bols, ils restaient en contemplation devant la chaudière avec des yeux si avides qu’ils semblaient la dévorer de leurs regards, et ils se léchaient les doigts pour ne pas perdre quelques petites gouttes de gruau qui avaient pu s’y attacher.

Les enfants ont en général un excellent appétit ; Olivier Twist et ses compagnons souffrirent pendant trois mois les tortures d’une lente consomption, et la faim finit par les égarer à ce point qu’un enfant, grand pour son âge et peu habitué à une telle existence (car son père avait tenu une petite échoppe de traiteur), donna à entendre à ses camarades que, s’il n’avait pas une portion de plus de gruau par jour, il craignait de dévorer une nuit l’enfant qui partageait son lit, et qui était jeune et faible : il avait, en parlant ainsi, l’œil égaré et affamé, et ses compagnons le crurent ; on délibéra. On tira au sort pour savoir qui irait le soir même au souper demander au chef une autre portion ; le sort tomba sur Olivier Twist. »

 

Mots-clés : Charles Dickens - Oliver Twist - petit pain le dimanche

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/roman/obtenir-un-peu-de-rab-quand-la-faim-gagne-oliver-twist/317