Pousse-café - Roman

Le Grand dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas : C comme... Chocolat

Ecrit par Fred Ricou le 13.04.2020

Lundi de Pâques oblige, on a encore en plus besoin de chocolat et gourmandises sucrées en ce moment. Nous continuons notre petit voyage dans le Dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas (1869) et forcément, nous ne pouvions éviter de connaître ce que l'auteur des Trois Mousquetaires avait à dire au sujet de cette douceur cacaotée.


 

« Le mot chocolat vient, croit-on, de deux mots de la langue mexicaine : choco, son ou bruit et atle, eau, parce que le peuple mexicain le bat dans l'eau pour le faire mousser. Les dames du nouveau monde aiment, paraît-il, le chocolat à la folie et en font un usage considérable. On rapporte que, non contentes d'en prendre chez elles à tout moment de la journée, elles s'en font quelquefois apporter à l'église, sensualité qui leur a souvent attiré la censure et les reproches de leurs confesseurs, qui ont cependant fini par en prendre leur parti, y trouvant leur intérêt d'ailleurs, car ces dames leur faisaient la gracieuseté de leur en offrir de temps en temps une tasse, ce qu'ils se gardaient bien de refuser. Enfin, le révérend père Escobar, dont la métaphysique était aussi subtile que sa morale accommodante, déclara formellement que le chocolat à l'eau ne rompait aucunement le jeune, proclamant ainsi en faveur de ses belles pénitentes l'ancien adage : Liquidum non frangit jejunium.  

 

Importé en Espagne vers le XVIIe siècle, l'usage du chocolat y devint promptement populaire ; les femmes et surtout les moines se jetèrent sur cette boisson nouvelle et aromatique avec un grand empressement, et le chocolat fut bientôt à la mode. Les moeurs n'ont guère changé à cet égard, et encore aujourd'hui, dans toute la Péninsule, il est de bon goût de présenter du chocolat dans toutes les occasions où la politesse exige d'offrir quelques rafraîchissements, et cela partout et dans toutes les maisons qui se respectent. Le chocolat passa les monts avec Anne d'Autriche, femme de Louis XIII, qui la première l'importa en France, ou toujours à l'aide des moines français à qui leurs confrères d'Espagne en envoyaient aussi des échantillons comme cadeaux, il devint bientôt en vogue. Au commencement de la Régence, il était devenu plus en usage que le café qui, tout nouvellement importé aussi, était regardé comme boisson de luxe et de curiosité, tandis que le chocolat était considéré, à juste titre du reste, comme un aliment sain et agréable.  

 

M. Brillat-Savarin, dans son excellent livre sur les Classiques de la table, recommande le chocolat comme une substance tonique stomachique et même digestive ; il dit que les personnes qui en font usage jouissent d'une santé constamment égale, et il parle du chocolat ambré comme très bon pour les personnes fatiguées par un travail quelconque.  

 

Laissons parler lui-même l'illustre gastronome : 

« C'est ici le vrai lieu, dit-il, de parler des propriétés du chocolat ambré, propriétés que j'ai vérifiées par un grand nombre d'expériences, et dont je suis fier d'offrir le résultat à mes lecteurs. 

 

Or donc, que tout homme qui aura bu quelques traits de trop à la coupe de la volupté, que tout homme qui aura passé à travailler une portion notable du temps qu'on doit passer à dormir, que tout homme d'esprit qui se sentira temporairement devenu bête, que tout homme qui trouvera l'air humide, le temps long et l'atmosphère difficile à porter, que tout homme qui sera tourmenté d'une idée fixe qui lui ôtera la liberté de penser, que tous ceux-là, disons-nous, s'administrent un bon demi-litre de chocolat ambré à raison de soixante à soixante-douze grains d'ambre par demi-kilogramme, et ils verront merveille.  

« Dans ma manière particulière de spécifier les choses, je nomme le chocolat à l'ambre, chocolat des affligés, parce que, dans chacun des divers états que j'ai désignés, on éprouve je ne sais quel sentiment qui leur est commun et qui ressemble à l'affliction. »  

 

C'est toujours M. Brillat-Savarin qui parle : 

« Quant à la manière officielle de faire le chocolat, c'est-à-dire pour le rendre propre à la consommation immédiate, on en prend environ une once et demie pour une tasse, qu'on fait dissoudre doucement dans l'eau à mesure qu'elle s'échauffe en la remuant avec une spatule de bois ; on la fait bouillir pendant un quart d'heure pour que la solution prenne consistance, et on sert chaudement.  

« Monsieur, me disait il y a plus de cinquante ans Mme d'Arestrel, supérieure du couvent de la Visitation, à Belley, quand vous voudrez prendre du bon chocolat, faites-le faire dès la veille dans une cafetière de faïence et laissez la. Le repos de la nuit le concentre et lui donne un velouté qui le rend bien meilleur. Le bon Dieu ne peut pas s'offenser de ce petit raffinement, car il est lui-même tout excellence. »  

 

A comme... Asperge

B comme... Brioche

 

Mots-clés : Alexandre Dumas - Dictionnaire de cuisine - C'est trop bon le chocolat

 

Retour en haut

https://7detable.com/article/roman/le-grand-dictionnaire-de-cuisine-d-alexandre-dumas-c-comme-chocolat/2954