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Magnà, Pizzas d'artisanS en « portafoglio »

Ecrit par Fred Ricou le 18.01.2019

Depuis quelques années, on trouve de très bonnes pizzas à Paris. Que cela soit dans le concept Big Mamma ou de plus petits projets, la pizzeria a su se renouveler. Dans l’Histoire de la Pizza, à Naples, c’est dans la rue qu’on la mangeait, pliée en quatre dans un papier, comme un portefeuille. Julien Serri vient de relancer l’idée dans le nord de Paris et nous dit, comme lui disait sa grand-mère napolitaine en italien pour l’inviter à manger, Magnà ! 

 

Photo 7 de Table.com

Les Italiens nouvellement arrivés en France et en manque de racines (et de Mamma ?) viennent chez Magnà pour la pizza portafoglio, leur « madeleine de Proust » comme le dit Julien Serri. Installé depuis quelques semaines à deux pas de Pigalle, à Paris, Magnà commence sérieusement à faire parler de lui. Même si les très bonnes pizzas ont depuis quelques années refleuri dans la capitale, Magnà, pour les Français, est une nouvelle manière de les déguster. 

Julien Serri est un franco-Italien qui a toujours fait le grand écart entre son pays et celui de ses parents. Alors qu’il avoue qu’après son parcours de pizzaiolo, devenu cuisinier et revenu à la pizza (« Un pizzaiolo, c’est moitié un boulanger, moitié un cuisinier… »), on l’attendait « sur autre chose, quelque chose de plus gastronomique, une pizza retravaillée », faire des pizzas « street-food » portafoglio, pour lui, a quelques chose de « rassurant » : « Pour moi, c’est ma culture. C’est rassurant de retrouver mes racines. J’ai fait tellement de pizzas différentes… ». Pour les pizzas gastronomiques, « on verra après… J’adore les faire, et je les referais un jour, mais là je n’étais pas prêt » confie le cuisïolo comme on l'a surnommé au fur et à mesure de sa carrière, avec la contraction évidente de cuisinier et pizzaïolo.

Julien Serri revendique ce terme de street-food, ici la pizza portafoglio (en porte-feuilles, en vf…) se mange comme à Naples. On peut soit la déguster sur place soit l’emporter et l’engloutir toute chaude dans un épais papier, pliée en quatre. Il l’affirme haut et fort : « Ce que je veux, c’est péter les cloisons ! Le fast-food, le street-food, le gastro, la brasserie… On est tous dans le même truc avec les mêmes responsabilités ! » 


Le parcours de Julien Serri est loin d’être classique. Après avoir réalisé des pizzas en Espagne pendant quelques années, où il avait déjà en tête cette fameuse pizza portafoglio, il revient en France et se lance dans des études culinaires à Clermont-Ferrand. Avec un mental d’acier, il en sort major de promo régionale avec une moyenne de 18,5/20, alors qu’il n’avait jamais été très bon, selon son propre aveu, dans les études dites classiques. Pendant ce laps de temps, il rencontre des chefs étoilés qui vont le remarquer, et même devenir assez proche d’eux. Il travaillera un temps avec le chef Cyrille Zen mais également avec Denny Imbroisi dans son restaurant Ida qui va énormément lui apporter : « Denny, c’est tout pour moi… » nous avoue-t-il avec émotion. Il devient, par la suite, pendant deux ans formateur entre la France et l’Italie : « Je formais les pizzaïolo aux rudiments de la cuisine. Ils ne savent pas forcément faire une béchamel, ce n’est pas leur métier… » 

Modeste, il n’hésite pas à nous dire « Pizzaïolo, c’est un métier très facile. Il y a des gens qui écrivent des poésies, nos producteurs, et nous n’avons qu’à les réciter… Il faut juste être intelligent pour l’ordre dans lequel tu les places. Nous, nous sommes des interprètes… » 

Quand on entre à Magnà, au fond trône le magnifique four à pizza, à droite la machine à café manuelle, et sur le mur de gauche, différentes photos. Ici, point de célébrités du showbizz avec le Chef, les célébrités sont justement les différents producteurs avec lesquels il travaille tous les jours : « Ce Wall of Fame, c’est le centre du truc… Ce sont eux les stars ! Quatre ans de sourcing, plus quatre ans où je me suis formé. Tout ces gens, je les ai rencontrés. Il y a une histoire d’Humains avec tous. Mon obligation était de ne pas les trahir… »

Magnà, avant d’être des pizzas, c’est avant tout des produits. Des produits qui viennent à 90% d’Italie : « Quand je pense à tous ces produits que j’utilise, comme par exemple la Salame Rosa, cela me fait penser quand j’étais petit et que l’on prenait le train avec mes grands-parents. On dormait dans le train et l’on sortait les paninis avec la mortadelle… ». Là où pour beaucoup de nouveaux restaurants qui font des pizzas, le produit final est un concept à plus ou moins grande échelle, pour Julien Serri, c’est véritablement une cuisine qui vient du cœur et de ses souvenirs. À mi-chemin entre la culture culinaire Romaine et Napolitaine, le chef est allé chercher sur place le meilleur pour ses pizzas. Si le basilic est totalement napolitain « Même le meilleur basilic bio français n’aura jamais le goût du basilic napolitain… », la mozzarella, quant à elle, est française ! Julien Serri l’explique très bien : « Le marketing n’est pas mon leitmotiv. Je travaille avec Fabio, il est italien, il a fait pendant des années de la mozzarella en Italie et maintenant, il la fait ici avec des vaches d’ici et son propre lait. Pour le four, on utilise que de la Fior di latte. Et je ne veux pas faire de folklore, je pourrais l’acheter en Italie mais quand Fabio m’apporte sa mozarella ou sa ricotta et qu’il me dit "elle est encore chaude !", c’est magnifique ! » Magnà est vraiment un lieu qui met en avant ses producteurs et leurs produits, d’ailleurs sur le mur en face du fameux Wall of fame, Julien Serri n’hésite pas à en mettre quelques-uns en vente. 

Sur la pizza, en général, Julien Serri est très clair : « C’est un produit qui est encore en cours de création, c’est ça qui me plaît. Quand la pizza est arrivée en France, elle est arrivée par Marseille. Il y a cette mouvance de pizza marseillaise qui est aujourd’hui une famille de pizza. Elle est à l’emmental, étalée au rouleau et cuite souvent dans des camions… Il y en a qui disent que c’est dégueulasse, je ne suis pas d’accord, c’est une culture. Tout comme la pizza américaine qui est aussi une autre culture. Ceux qui font de la mauvaise pizza sont ceux qui se perdent en chemin. Celui qui va dire qu’il fait de la pizza italienne en mettant de l’emmental, il se perd. Il faut assumer ce que l’on fait ! ». Pour le cuisïolo, la pizza aujourd’hui est encore à l’état de bébé : « Dans mon milieu, c’est comme si l’on était à l’époque d’Escoffier, on est en train de codifier les choses… » 

Pour Julien Serri, l’évolution de Magnà, dont le premier vient à peine d’ouvrir, passe forcément par l’ouverture d’autres « On n’est pas un restaurant. On est un fast-food ! Moi, je veux les gens qui vont chercher un kebab ou un sandwich à trois balles ! Les gares… c’est un rêve pour moi ! » et n’oublie pas d’ajouter : « Dans mon business-plan, je n’oublie pas mes producteurs, ils font partie du projet. » 

Que cela soit la Jambon / Mozarella / Truffes, ou la plus simple Margarita, Tomates / Mozarella, il est évident qu’il faut venir dévorer toutes les pizzas de Magnà. Et si nous n’avons parlé que de la portafoglio, il est à noter également qu’une deuxième spécialité, la rotolo, la pizza carrée et roulée sur elle-même est absolument délicieuse. Que de choses à découvrir encore avec Julien Serri, le monde de la pizza est décidément d’une richesse infinie…

 

Magnà
48 rue Notre-Dame de Lorette,
75009 Paris

 

Mots-clés : pizza portafoglio - naples italie - producteurs artisans

 

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