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Les 3 chocolats, saga familiale centenaire cacaotée entre Fukuoka et Paris

Ecrit par Fred Ricou le 01.04.2021

Depuis quatre ans, à Paris, une petite chocolaterie toute mignonne siège au début de la rue Saint-Paul. À l’intérieur, les employés sont tous japonais, comme la propriétaire des lieux, Emiko Sano. Voici l’histoire centenaire d’une saga familiale cacaotée, digne d’un roman… 

 

 

L’histoire du Japon et du Chocolat - comparativement à son attrait en Europe aux alentours du 17e siècle - est assez récente. C’est au début du 20e siècle, en 1916, alors que l’Europe est en guerre, que l’entreprise Meiji Seika fait son apparition. Entreprise de snaking, ce serait elle qui aurait introduit le chocolat au pays du soleil levant. Mais ce n’est véritablement que dans les années 50 que le chocolat va prendre un véritable essor. 

 

Pour la saga familiale que nous nous apprêtons à raconter, nous sommes quelques années avant les années 20. Il y a donc un tout petit peu plus de cent ans. 

 

Né en 1902, Gensaku Sano, alors qu’il est apprenti cuisinier dans un hôtel de Tokyo va faire la connaissance d’un cuisinier russe qui va changer sa vie et celle de sa famille à jamais. En effet, celui-ci lui fait goûter… une truffe en chocolat ! Jamais Gensaku n’a jamais goûté une telle chose ! C’est délicieux !! 

 

Il fait alors un choix de vie extrême : il va consacrer sa vie au chocolat ! Après renseignement, il apprend que c’est en Europe qu’il va pouvoir comprendre toutes les subtilités de ce merveilleux produit. Il y entreprend alors un grand voyage. 

 

Devenu alors chocolatier, c’est en 1942 que Gensaku ouvre sa première chocolaterie à Hakata, l’un des arrondissements de Fukuoka, tout au sud du Japon. En ce temps-là, une truffe en chocolat vaut une petite centaine de yens, quand un petit pain, lui, n’en vaut que quinze. C’est dire si ce n’est pas la grande fortune qui guette le jeune chocolatier, mais, celui-ci ne se démonte pas et continue malgré tout à faire son chocolat. 

 

Les années passent, Gensaku peine toujours à vendre son chocolat, la famille n’est pas riche et en souffre, mais Gensaku ne lâche rien, comme l’on dirait maintenant. En revanche, c’est son fils, Takashi, qui n’en peut plus ! Après une énième violente dispute, Taskashi quitte la maison furieux et part loin de la chocolaterie. Ce qu’il va découvrir est alors étonnant. 

 

Même si Gensaku ne vend que finalement très peu de chocolats, Takashi s’aperçoit que son père et son talent de chocolatier sont devenus extrêmement renommés et que lui-même, à force de travailler dans l’entreprise familiale, est devenu un très bon chocolatier. 

 

Takashi fait alors marche arrière, il revient à la boutique d’Hakata et décide de développer le travail paternel. Il ira même jusqu’à faire un voyage en Suisse pour parfaire ses connaissances. 

 

On avance, un peu dans le temps. La chocolaterie, Chocolate Shop,  à Hakata est désormais connue est reconnue. 

 

La petite fille de Gensaku, Emiko, la fille, donc, de Takashi, a 25 ans. Elle travaille dans un magasin de vêtement et porte le kimono traditionnel. Mais ce qu’elle souhaiterait vivement, maintenant, c’est pouvoir travailler dans la boutique familiale. Elle en parle à son père et celui-ci, pensant la décourager, lui dit que si elle veut travailler dans le chocolat, il faut qu’elles viennent apprendre le métier en France et que de toute façon, elle est trop âgée pour devenir apprentie. À 25 ans, les jeunes de son âge qui travaillent à la chocolaterie ont déjà six à sept ans d’expérience ! 
 

 

 

Emiko va prendre son père au mot et s’en va alors en France. Elle va alors faire un petit tour de France chez plusieurs chefs : « Quand je suis arrivé en France, je ne parlais pas français et je n’y connaissais rien en pâtisserie. J’étais vraiment une débutante, je recommençais de zéro. J’ai travaillé avec plusieurs chefs. J’ai été à Tours, chez JC Ménard, deuxième génération de chocolatier » explique Emiko à 7deTable « après, j’ai été à Perpignan, chez Olivier Bajard, il est MOF, puis à Saint-Étienne, chez Bruno Montcoudiol, qui est MOF, également et j’ai aussi travaillé à Paris avec Christophe Michalak quand il était au Plaza. »

 

La vie n’est pas simple pour Emiko, mais elle prend rapidement goût à la France et décide finalement de rester ici. En parallèle de son apprentissage, elle va prendre trois mois de cours de français et le reste se fera avec les amis et le travail. 

 

Depuis quatre ans, Emiko Sano est installé dans sa boutique, dans Paris, à côté du Métro Saint-Paul. Sa chocolaterie s’appelle Les 3 chocolats en hommage aux trois générations familiales de chocolatiers.

 

Sa façon de travailler le chocolat est assez différente de ce que fait son père, même si elle inclut des saveurs et des techniques familiales, elle a une façon de travailler très française : « Je mélange à fois des techniques japonaises familiales et des techniques françaises. J’utilise beaucoup d’ingrédients japonais. J’aime les voyages, la nourriture et les rencontres. Et je m’en sers pour créer mes chocolats. » 

 

Dans la boutique familiale, Hakata, on peut trouver les différentes recettes familiales. Celles du grand-père, le fondateur, celle du père, celui qui a consolidé les fondations et les recettes de la fille qui représente aujourd’hui, le côté international, de la maison.

 

En dehors de délicieux chocolats fourrés au praliné, aux noisettes, au matcha que lui demande une clientèle un peu moins aventureuse, Emiko Sano va travailler des saveurs plus marquées, plus japonisantes, comme le wasabi, le mirin (un saké très doux), le miso, cette célèbre pâte de soja fermentée. Pour Pâques la chocolatière propose un excellent chocolat praliné matcha, genmaicha, un véritable délice ! 

 

À l’instar de son grand-père qui s’en servait déjà, Emiko utilise en majorité le chocolat de couverture Valrhona pour confectionner les siens. C’est aussi, dans le choix de la matière première qu’elle rend hommage à sa transmission familiale.


Retrouver la version radio sur le podcast Croque-News de Vivre FM. 

 

 

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