Beaucoup de jeunes chefs s’emparent de la gastronomie que l’on appelle aujourd’hui « responsable ». Nouveau chef à la tête de son restaurant parisien, Nathan Hélo vient d’ouvrir Dupin. Cela rappelle quelque chose ? C'est normal...
Photo : Pierre Lucet Penato
« Le changement dans la continuité », ce vieux slogan politique de Pompidou va à la perfection dans ce « nouveau » lieu qu’est « Dupin », anciennement « L’Épi Dupin ».
Depuis quelques semaines, le jeune chef Nathan Hélo a pris les commandes de l’ancien restaurant de François Pasteau, parti vers de nouvelles aventures, l’a un peu rajeunit et l’on peut dire qu’il relève de manière assez facile la suite de ce haut lieu de la gastronomie « responsable ».
En gardant dans le nom du restaurant, le mot « Dupin », Nathan Hélo souhaitait se démarquer de son prédécesseur, mais aussi garder une continuité par rapport à la façon responsable de travailler les produits « sans effacer tout ce qu’il y avait derrière… » « et puis « Dupin, ça fait très français, ça sonne un peu comme Dupont… » s’amuse le nouveau chef.
« François Pasteau avait entrepris une démarche écologique et réfléchie par rapport à la nature et à l’environnement. La volonté était totalement de continuer là-dedans parce que ce n’est pas que cela devient important, cela devient essentiel…» explique Nathan Hélo.
Avant d’arriver dans les murs, le jeune chef de trente ans a vécu au Lavandou dans le Var et est parti se former aux alentours de Cannes pour se former aux métiers de la cuisine à 20 ans. Après le bac, il avait commencé des études de commerce international, mais devant le peu d’intérêt que cela lui suscitait, l’attrait de la cuisine était devenu plus fort que le reste. Il fait alors des études dans un Greta (How dare you ? Aucun lien…) qui forme les adultes et trouve une place dans un restaurant étoilé à Grasse, Le Lou Fassum (qui n’existe plus aujourd’hui…) en tant qu’apprenti. Il va y rester quatre-cinq ans et y devenir sous-chef.
Petit complexe d’infériorité dû à son âge, quand la plupart des jeunes qui entrent dans la profession commencent vers 16 ans, démarrer quatre ans plus tard le dérange légèrement. Nathan Hélo souhaite alors booster la manœuvre et monte à Paris « Ici, tout est accéléré… ». Il passe un seul entretien à la Maison Rostang désirant travailler au restaurant gastronomique. Pas de place pour le moment, cependant lui indique-t’on, il semblerait que pour le Dessirier, cela soit possible… La belle brasserie de luxe l’accueille à bras ouverts, il découvre ainsi quelques beaux produits et surtout les poissons « qui sont assez identitaires de ma cuisine ». Le fait également de travailler les légumes et de suivre les saisons est une révélation. Il va y rester quatre années. Un passage en cuisines de palace, celles du Georges V avec David Bizet, où il apprend l’extrême rigueur poussé à son paroxysme, Nathan est rappelé par la famille Rostang pour prendre les cuisines de Jarrasse. Au bout d’un an, les Rostang vendent le restaurant et c’est exactement le moment où Nathan Hélo commencent à vouloir voler de ses propres ailes. Discussion avec Michel Rostang, celui-ci est partant pour l’aider à se développer et va ainsi lui proposer un partenariat. Chose qu’il ne fait d’habitude... jamais.
Actionnaire majoritaire de Dupin, Nathan Hélo se lance donc dans l’aventure avec le soutien de la Famille Rostang.
Même si Nathan Hélo était sensibilisé à la manière responsable de travailler surtout par rapport au tri, le fait de s’installer dans les pas de François Pasteau lui permet de travailler en profondeur ces problématiques : « Pour le plat de Saint-Jacques. Quand on va l’ouvrir, on va récupérer la noix en premier, mais aussi les bardes. On va les nettoyer, les laver et s’en servir comme base pour faire notre sauce, mais on s’en sert aussi pour faire une petite soupe avec le corail que l’on va servir avec des champignons. Cela fait déjà deux plats, avec un seul et même produit. Même chose avec le butternut que l’on ajoute au plat, on va faire de petites billes et les chûtes, on les garde. On les met dans du papier d’alu, et on les cuit au four juste avec un filet d’huile d’olive, du sel et du poivre. Une fois cuit, on enlève les pépins, que l’on va faire sauter, ils gonflent, cela apporte un croustillant en plus… C’est vraiment de l’optimisation du produit. On ne jette rien, sauf la tige ! » explique-t-il à 7deTable. Les tiges d’herbes aromatiques sont séchées et mise en poudres, les épluchures également, quasiment rien ne se perd, tout se transforme, pourrait-on dire… En revanche, contrairement à quelques restaurants « responsable » dans le reste de la France, il est ici totalement impossible de faire un compost pour des raisons évidentes.
Depuis un peu plus de trois mois, Nathan Hélo souhaite surtout apporter une cuisine accessible au plus grand nombre, une cuisine compréhensible dans l’assiette, loin de certaines tables qui s’essayent à la sophistication extrême. Le chef veut également un restaurant qui vive ! Un lieu joyeux, festif, où les clients peuvent parler, rire et bien manger.
Et justement, dans les entrées nous sommes rapidement devenu assez fan de l’« avocat grillé, mélisse, bouillon de pleurotes de Paris et langoustine »… Quoi ? Être responsable et manger de l’avocat ? oui, oui, il vient directement de Corse. En plats, les ris d’agneau sont délicieux, légèrement grillés et se marient effectivement très bien avec les carottes des sables. Pour le dessert, nous sommes prêts à nous damner pour reprendre une choco-tarte crémeuse, cacahuètes grillées et glacées.
Pour ce premier menu, Nathan Hélo est parti sur une carte restreinte. Tous les mois et demi, il en change la composition, pas tout bien évidemment, mais assez pour que les clients réguliers puissent y trouver de la nouveauté, mais également pour être au plus proche des saisons.
Comme de plus en plus de chefs, Nathan Hélo fait le choix dans les assiettes de mettre en avant le végétal avant l’animal. Ainsi, sur la carte, les Saint-Jacques sus-mentionnées sont annoncées comme ceci : « Douceur de butternut, châtaignes, champignons des bois, et Saint-Jacques de nos côtes ». « On essaye de mettre le légume sur le même piédestal que le soi-disant produit noble qu’il y a dans l’assiette… » nous explique le chef « C’est une façon de rendre au végétal ses lettres de noblesse… »
Chez Dupin, si le lien avec la cuisine de François Pasteau est évident, ce n’est pas le seul élément qui reste de l’ancien chef. Victor Mollaret est le chef pâtissier du restaurant, il était également de la partie depuis plus d’un an avant que Nathan Hélo n’arrive dans les murs. Un changement de chef ne s’effectue pas aussi facilement du jour au lendemain : « Pendant les travaux, j’étais au Dessirier. Les pâtissiers connaissaient bien Nathan et ils m’ont guidé sur le niveau de dessert qu’il fallait sortir. Et Nathan est venu goûter au fur et à mesure » explique le pâtissier. « Moi, je vais donner quelques idées à travailler, mais les idées viennent de lui. Je ne suis pas pâtissier, je viens donner des conseils de cuisinier… » explique de son côté Nathan Hélo. « Je ne vais faire le même baba au rhum que l’on faisait au moment de l’Épi Dupin, ce ne sont pas les mêmes exigences… » finalise Victor Mollaret.
Bien évidemment, si la saisonnalité prime en cuisine, la pâtisserie n’est pas en reste : « On me demande parfois s’il est possible d’avoir un millefeuille framboise, là nous sommes en plein hiver, je réponds non. On propose de la poire, de la pomme, de la noix de coco,… Si l’on se creuse un peu les méninges, il y a énormément de chose à faire » explique le chef cuisinier.
Comme Victor Mercier que nous avions rencontré il y a quelques semaines, une belle partie de jeunes chefs trentenaires à l’instar de Nathan Hélo prennent véritablement le côté responsable de la gastronomie à bras-le-corps. Ils sont concernés par une nouvelle forme de cuisine qui n'oublie pas les saveurs et la gourmandise et Dupin est un joli lieu qui va compter dans la gastronomie parisienne comme pouvait l’être l’ancien restaurant de François Pasteau.
Dupin
11 rue Dupin
75006 Paris
Mots-clés : restaurant paris - gastronomie responsable - Nathan Hélo