Si l’on connaît bien les sushis, ramen et autre bento, il est un plat national japonais qui nous est bizarrement totalement étranger : le curry japonais. Dans son dernier livre, l’autrice Ryōko Sekiguchi nous donne dix recettes pour le découvrir.
« On connaît bien la nourriture japonaise. Mais si… les sushis, là ! On les croise partout en France de nos jours, ha oui, et puis depuis quelques années, on connaît bien aussi les ramens ! Les soupes dans les gros bols avec des trucs dedans, là ! » Ça c’est souvent ce que l’on peut entendre quand, à Noël, on reçoit, un livre sur la cuisine japonaise.
Bref. Dans la cuisine japonaise, effectivement, les sushis, ramens, bentos, sakés, et autres bières et whiskys commencent depuis quelques années à se faire un nom dans nos habitudes alimentaires. Si depuis les années 60, des chefs comme Paul Bocuse ou Michel Guérard sont fascinés par le Japon et sa cuisine, et si les chefs japonais viennent en France pour apprendre les grands classiques et les renouvellent à leur manière, il est un plat japonais, qui n’a jamais eu la même aura en France : le curry !
Aujourd’hui, vendredi 22 janvier, c’est la Journée internationale du Curry japonais… Alors, on vous entend : « Oui, tout ça… le curry… c’est Indien, faut pas nous la faire. Je suis allé en Inde et j’ai mangé du curry à tout va ». Ce n’est pas faux. Le curry est effectivement un plat indien... à la base.
Faisons un petit voyage dans le temps où l’on se retrouve au Japon, à l’ère Meiji (pour les historiens pointilleux, c’est entre 1869 et 1913). À cette époque, l’Inde est administrée par la Compagnie britannique des Indes orientales et, évidemment, de l’autre côté, il y a la résistance.
C’est au Japon que Rash Behari Bose, l’un des piliers de cette résistance, s’est exilé. Et forcément, quand on s’exile quelque part, l’une des rares choses que l’on emporte réellement avec soi, c’est sa cuisine maternelle. En ce qui le concerne : c'est le curry. Et il va apprendre à ses amis japonais à le préparer. Les épices, le piment, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Japonais adorent cela !
Et là, comme une trainée de poudre, ce plat « occidental » (oui, puisque l’Inde est sous le joug de la Grande-Bretagne à cette période, rappelons-le), va se retrouver à tous les échelons de la société, aussi bien chez les militaires que dans les écoles.
Dans son dernier livre consacré au curry japonais, l’autrice et poétesse japonaise Ryōko Sekiguchi explique même que ce plat est devenu tellement populaire au Japon que, premièrement, on s’en repaît en moyenne 73 fois dans l’année (donc plus de deux fois par mois) et ,deuxièmement, que chaque région s’est emparée du plat pour lui donner un petit air local, un petit air de terroir. Ainsi, dans tout le Japon, on va trouver du curry de maquereau, de coquilles Saint-Jacques, d'huîtres, de gibier, à la langue de bœuf etc. : une multitude de plats et de préparations où le curry est roi.
Nous sommes allés, il y a quelques jours, à la rencontre de Ryōko Sekiguchi, qui était en pleine signature à l’épicerie Roellinger (le détail a son importance) et nous lui avons demandé tout simplement : pourquoi ce curry japonais, alors plat national au Japon, n’était pas plus connu chez nous ?
« Je pense que, quand on est attiré par une culture culinaire, on cherche toujours ce que l’on n’a pas. Les sushis et les ramens, il n’y en avait pas en France. Alors que le curry, les Français croit le connaître avec l’Angleterre et l’Inde. Il y a des choses où l’on passe à côté sans les voir. Le curry japonais fait partie de ces plats qui sont omniprésents au Japon mais invisibles curieusement aux Français. »
Chose étonnante, si chaque famille prépare son curry, sa recette, pas foule ne fait son mélange d’épices soi-même et c’est plutôt une sorte de curry instantané, en tablette, comme une tablette de chocolat, qui a popularisé ce plat.
Depuis plus de 100 ans au Japon, ce plat a légèrement évolué pour devenir japonais à part entière. Et si le mélange est sensiblement le même que l’on peut trouver en Inde - c’est à dire, en dose variable de gingembre, coriandre, cardamome, clou de girofle, fenugrec, graine de moutarde, anis, fenouil, ail, et le curcuma qui va lui donner sa couleur ocre -, les Japonais vont ajouter deux trois petites choses très spécifiques : « Comme nous avons eu, au Japon, à la fois des influences indiennes et anglaises, nous préparons toujours le roux, qui n’est pas dans la préparation indienne. C’est cela qui donne ce côté onctueux, brillant. La deuxième chose, c’est que l’on ajoute toujours un côté umami, issu de la culture japonaise. Beaucoup de gens ajoutent, à la fin de la préparation, de la sauce soja, du miso, ou d’autres sauces, pour booster un peu le mélange d’épices et l’umami », explique l’autrice.
L'ouvrage a été co-écrit avec la famille Roellinger que Ryōko a accompagné sur plusieurs voyages au Japon ; il est édité aux éditions de l’Épure. Le curry japonais : dix façons de le préparer propose donc deux sortes de recettes. Les traditionnelles, venues des souvenirs de l’autrice japonaise, et les japon-bretonnes inventées en collaboration avec la famille.
Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, en plus du livre, il est possible de commander sur le site de la boutique des épices Roellinger, le curry japonais que la famille et Ryoko Sekiguchi ont mis au point à partir des souvenirs d’enfance de cette dernière. Pour ce faire, l’autrice japonaise a apporté une trentaine de mélanges japonais qui lui rappelaient les odeurs qu’elle avait connu pendant son enfance, et tous ont travaillées sur ces mélanges d’odeurs et de saveurs pour arriver à une « quintessence des goûts japonais… selon Ryōko », nous explique Mathilde Roellinger. « C’est toute la complexité d’un mélange d’épices. Il faut que cela sente bon et que cela soit bon au goût », continue-t-elle. « On est dans un métier entre le cuisinier et le parfumeur, et l’on teste après, dans les recettes… » Il fallait apporter la petite Roellinger touch : la famille a eu l’idée d’y ajouter des algues. « Nous avons travaillé le côté umami par les algues de Bretagne, dans le mélange, c’est de la laitue de mer… »
De ce fait, pour cette collaboration fructueuse, nous avons affaire à un curry où la coriandre et le fenugrec sont très présents ; il est très parfumé et savoureux. Avec le petit livre qui va de pair, c’est véritablement le moment de se lancer dans la confection d’un curry japonais de qualité. Alors... どうぞお召し上がりください !
Le curry japonais, dix façons de le préparer - Ryōko Sekiguchi - Éditions de l’Épure - 9782352553526
Épicerie(s) Roellinger
51 bis Rue Sainte-Anne,
75002 Paris
1 Rue Duguesclin,
35260 Cancale
Écouter la version audio sur le podcast de Vivre Fm :
Mots-clés : curry japonais - Ryōko Sekiguchi - Éditions l’Épure