Le Maître-Chocolatier Richard Sève nous a reçu au Musco, premier Musée du chocolat établi à Lyon depuis fin 2017, qui est aussi une manufacture. Visite guidée et gourmande pour découvrir un trésor aussi précieux que raffiné : le cacao.
Richard Sève - Photo Studio Erick Saillet
Quand on évoque la ville de Lyon, il ne fait plus aucun doute que l’on pense à sa gastronomie réputée bien au-delà de nos frontières depuis que le « Prince des gastronomes » Curnonsky qualifia la cité de « capitale mondiale de la gastronomie » en 1935. Mais pense-t-on au chocolat quand on s’imagine une table lyonnaise ? Pas forcément. Et pourtant, l’axe Lyon-Saint-Étienne et ses alentours fut jusqu’après la seconde Guerre Mondiale, le plus important pôle chocolatier de France… On oublie peut-être qu’au-delà de l’excellent coussin créé par le chocolatier Voisin dans les années 1960 (une ganache au chocolat recouvert d’un enrobage en pâte d’amande avec une touche de curaçao qui lui donne ce goût particulier qui l’a rendu célèbre), Lyon est le berceau du plus célèbre des chocolats : la papillotte. La légende lyonnaise raconte que la papillotte serait née au XVIIIe siècle. Le commis du confiseur lyonnais Papillot, établi dans le quartier des Terreaux, pour séduire sa belle, enveloppait de petits chocolats d’un mot d’amour à son attention. Il fallait donc bien un Musée consacré à cette précieuse denrée pour nous rappeler cette part du patrimoine gastronomique lyonnais. Et qui d’autre que Richard Sève et son épouse Gaëlle pour être à l’initiative du projet ? Non, cela sonne comme une évidence.
Si une chose anime Richard Sève, c’est l’amour du produit. Et son exigence vis-à-vis de ce dernier. Il est l’un des rares artisans chocolatiers français à fabriquer son chocolat. Et ce en circuit court, loin de toutes implications industrielles. Son Musée, le Musco (contraction des termes Musée/Manufacture Sève Chocolat Collection) reflète parfaitement cette recherche de l’authentique, ce souci de la tradition. Le couple Sève fait penser aux couturiers d’antan à la tête d’une équipe de dentellières.
Fondée en 1905, La Maison Sève crée des pâtisseries originales et traditionnelles dont la célèbre et délicieuse tarte à la praline rouge… En 1991, Richard Sève et son épouse achète une pâtisserie-chocolaterie à Champagne-au-Mont-d’Or. Aujourd’hui figures lyonnaises incontournables, les Sève possèdent 7 points de vente dans la Cité des Gaules et aux alentours de l’agglomération lyonnaise. En 2016, le Maître-chocolatier reçoit une récompense pour ses créations au Salon du chocolat de Paris. En octobre 2017 est inauguré le Musco. Ce bâtiment se compose de deux parties : l’espace musée à proprement parler et l’espace manufacture où, grâce à de grandes baies vitrées vous pouvez observer la fabrication du chocolat, ce que l’on nomme ici le « bean to bar », à savoir : de la fève à la tablette. Le lieu offre bien évidemment une boutique, un espace dégustation ainsi qu’une cuisine-atelier.
La partie musée rappellera sans doute au visiteur lyonnais averti la muséographie du Musée des Confluences. On vous raconte l’histoire du cacao entre légendes aztèques et invasions des conquistadors. Des objets issus de la collection particulière du couple Sève sont exposés : masques, statuettes, bols sacrés, maquette de bateau… C’est que le chocolat revient de loin ! À l’origine, bouillie pimentée (le xocolatl) réservée aux aristocrates et aux prêtres des cultures mésoaméricaines, le chocolat est un aliment sacré aux vertus thérapeutiques et utilisé lors de rituels précis. Dans le livre de la Genèse maya, le Popol Vuh, il est clairement établi que le cacaoyer a une origine divine. Chez les Aztèques, il est le symbole de la déesse de la fertilité Xochiquetal. Ce n’est donc pas anodin si durant la période précolombienne la fève de cacao fut utilisée comme monnaie. Il faudra plusieurs siècles pour que la boisson chocolatée puis le chocolat sous forme solide gagnent les cours européennes et se popularise.
Christophe Colomb fut le premier européen à recevoir des fèves de cacaoyer. Mais les ayant prises pour des crottes séchées d’un animal, il ordonna, lors de son voyage retour en Espagne en 1494, de les jeter par-dessus bord. Quand il boit pour la première fois du chocolat en juillet 1502 sur l’île de Guanaja, il le trouve trop amer et n’en ramène pas. Il faudra attendre Hernán Cortés qui, en 1519, est invité par l’empereur aztèque Moctezuma II à en boire. S’il n’apprécie guère la boisson lui non plus, il ramène tout de même des fèves en Espagne en 1528. Six ans plus tard, en 1534, les moines de l’Abbaye de Piedra ont l’idée ingénieuse d’y ajouter de la vanille et du miel pour adoucir son goût. Plus tard on y ajoutera du sucre de cannes. Le chocolat tel que nous le connaissons est né !
La boisson chocolatée fut introduite à la cour de France par Anne d’Autriche. Peu apprécié de nos souverains, le chocolat conquît surtout les papilles des reines de France. Sujette à des maux de tête fréquents, le médecin de Marie-Antoinette fait enrober ses médicaments d’un glaçage au chocolat pour que celle-ci puisse les prendre plus facilement. D’un point de vue médical, nous savons désormais que le chocolat noir fait augmenter le taux de lipoprotéines de haute densité (HDL), communément appelé le bon cholestérol… En d’autres termes : Mangez du chocolat noir !
Derrière les vitrines, c’est le tambour des machines, les cliquetis du métal, le souffle et le ronronnement des turbines. Les appareils datent de la première moitié du XXe siècle et sont originaires de pays germaniques. En France, avec l’industrialisation à grande échelle, nous avons eu la mauvaise manie de détruire ce patrimoine mécanique considéré comme trop petit avec un rendement moindre. C’est pourquoi le couple Sève a dû se procurer d’anciennes machines étrangères. Des engins à échelle humaine loin des mastodontes utilisés aujourd’hui par les géants industriels. Au Musco, on prend le temps d’extraire le meilleur du produit. Il faut plusieurs jours pour obtenir une tablette du Maître Sève, véritable diamant, quand d’autres surproduisent en une journée… Pour obtenir un tel trésor, on broie, on concasse, on turbine, on pétrit. Et ce, avec amour et patience. Parce que le chocolat, c’est comme le vin. Chaque fève, selon sa provenance, a une identité, une particularité ; et il faut développer tout un savoir-faire pour obtenir la pureté d’un arôme, de la sensualité et de la persistance.
C’est grâce à de fréquents séjours à l’étranger que le couple Sève découvre et sélectionne ses « cépages » de cacaoyers. Soucieux des moyens de production, des techniques de séchage des fèves, le Maître chocolatier et son épouse recherchent un terroir établi dans le respect de la main-d’œuvre et du produit. « Je n’ai rien contre le Vietnam par exemple, mais je n’achèterai jamais de fèves originaires de ce pays. Parce que nous savons que les sols sont encore contaminés par l’agent orange » nous confie Richard Sève. Les fèves de cacao élues proviennent essentiellement de producteurs du Mexique, du Guatemala, de Colombie, de Jamaïque, de Madagascar, et du Pérou. Tous sont des agriculteurs non-soumis aux géants industriels. C’est aussi très avantageux financièrement pour les deux parties car il y a moins d’intermédiaires (n’oublions pas que le cacao est coté en bourse). C’est dans un laboratoire du Musco que des premiers tests sont réalisés avec quelques fèves ramenées par Richard Sève lors de ses périples. Si l’originalité du goût est au rendez-vous, on en commandera un kilo pour refaire d’autres tests. Si le résultat est toujours concluant, on commande au producteur. À ce propos, dans l’espace muséal, un film-documentaire vous explique la sélection des fèves et vous montre les cultures de cacaoyers appréciées du couple Sève.
Tous les chocolats noir produits par la Maison Sève ne sont constitués que de deux choses : le chocolat et le sucre. Pour un équilibre parfait, le Maître a opté pour du 76 % minimum (soit 76 grammes de chocolat noir pour 100 grammes). Avec ce dosage, l’amateur de chocolat noir sera conquis. Quant aux palais plus délicats, qu’ils se rassurent, ils ne sentiront que très peu l’amertume. Des saveurs étonnantes se révèlent ; certaines fruitées, d’autres carrément florales. Et pourtant, il n’y a aucun arôme ajouté. Belle surprise de notre dégustation : un chocolat 100 % issu d’un alliage de fèves du Nicaragua et du Costa Rica. Nous avons été surpris par sa rondeur et un goût sensible, pas aussi amer qu’on pourrait le croire, tout en légèreté.
Nous sommes repartis les sens en éveil, le regard lumineux et l’odorat nourri de saveurs brillantes. Cette visite au Musco fut riche en émotions. Nous avons énormément appris et l’on ne peut que tomber amoureux de ce trésor qu’est le chocolat. Un lieu magnifique et chaleureux à découvrir de toute urgence !
Infos pratiques :
MUSCO
Parc du Puy d’or
324, Allée des frênes
69760 LIMONEST
Horaires :
Les mardis de 12h à 17h30
Du mercredi au samedi de 10h à 18h
Les dimanches de 11h à 17h
Jours fériés (sauf 1er janvier, 1er mai et 25 décembre) de 11h à 17h30
Pour les tarifs et les ateliers :
Mots-clés : chocolatier lyonnais - chocolaterie fève - bean to bar