VIDÉO — Jeudi 27 octobre, le groupe Lactalis obtient en référé l’interdiction de la rediffusion d’une partie de l’émission Envoyé Spécial sur France 2. Scandale trop peu médiatisé, 7 de Table vous raconte l’histoire du pot de terre contre le pot de lait (ou le pot de vin ?)
CC PIXABAY
« Lactalis, au bon goût d’accusatrice »
Dans un communiqué, le géant laitier indique qu’il portera plainte contre la chaîne France 2 après la diffusion mi-octobre d’un « reportage mettant gravement en cause le groupe Lactalis et son président Emmanuel Besnier », pour « mettre un terme à ces attaques injustifiées et à la diffusion d’une émission uniquement à charge ». Le référé ainsi obtenu en à peine deux semaines a fait « injonction à France 2, sous astreinte, de cesser immédiatement la diffusion des passages relatifs à la vie privée du président du groupe Lactalis, reconnaissant ainsi que ces images et commentaires n’ont aucun lien avec la situation des producteurs de lait qui constituait le sujet de ce reportage ».
Évidemment, la direction de l’émission de France 2 a indiqué son intention de faire appel de ce jugement.
« Tot familiis tam copiosis »
L’origine de Lactalis remonte à 1933, à Laval, non loin du Tribunal de Grande Instance qu’ils viennent d’utiliser la semaine dernière. À l’époque, son propriétaire, André Besnier (aujourd’hui 13e fortune de France), produit du fromage avec un seul salarié. Il faudra attendre 35 ans pour que la production industrielle démarre, avec le camembert Président en 1968. Ensuite, les Besnier rachètent Lactel en 1984, puis Bridel en 1990. À l’époque, ce groupe possédait déjà 2300 salariés et 10 usines. C’est le 4e groupe laitier français, présent dans 60 pays, avec un chiffre d’affaires global de 850 millions d’euros. En 1991, ils rachètent Roquefort Société et deviennent Lactalis en 1999. 7 ans plus tard, en 2006, ils rachètent Galbani, le groupe italien. La même année, ils créent une joint-venture avec Nestlé et fondent Lactalis Nestlé Produits Frais et produisent ensemble vos yaourts du quotidien La Laitière, Sveltesse, Flanby, etc.
Plutôt OPA qu’AOP
Quelques années et quelques achats plus tard, Lactalis devient le leader mondial des produits laitiers, après avoir lancé une OPA sur l’italien Parmalat le vendredi 8 juillet 2011. Aujourd’hui, 229 sites de production, 75 000 collaborateurs dans 85 pays, et 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires (comptes non publiés). Pendant ce temps là, ils font une offensive auprès de l’INAO pour modifier le cahier des charges de l’AOC Camembert de Normandie. Le but étant de permettre l’utilisation de lait thermisé à la place du lait cru, et donc de baisser les coûts de production, Lactalis représente à l’époque 90 % de la production de camemberts de Normandie. Devant l’obligation d’essuyer un refus, Lactalis abandonne et ne produit plus de vrais camemberts.
Un documentaire fait à l’époque un succès que Lactalis n’a pas fait interdire à la manière d’Envoyé Spécial, il s’agit de Ces fromages qu’on assassine, tourné façon Mondovino, et dénonçant les menaces du géant sur les produits du terroir. Cette émission a contribué à préserver l’appellation et les fromages au lait cru, en rendant l’opinion et les pouvoirs publics favorables.
En 2000, Lactalis est condamnée pour fraude sur le lait et publicité mensongère, fraude portant sur 70 % de la production du groupe en fabriquant, par exemple, du fromage de comté avec du lait non conforme aux spécifications de l’AOP...
Ces fromages qu'on assassine
Mots-clés : lactalis emmanuel besnier - Laitière Sveltesse Flanby - envoyé spécial france2