Sophie Reigner surfe sur l’écume des vagues bretonnes. Elle s’est installée à Vannes, où son tout jeune restaurant fait la part belle au terroir. Ouvert à la Saint-Valentin, Iodé joue la carte de l’équilibre avec succès.
Iodé - Sophie Reigner - Photo 7deTable.com
« On ne quitte pas un travail avec des horaires de bureau pour un autre qui prend nos soirées, nos week-ends, sans une vraie passion ». Le ton est donné. Sophie Reigner a la cuisine dans le sang… et ça se sent ! Pourtant ce n’est qu’en 2011 qu’elle quitte son emploi de secrétaire comptable pour faire de son loisir favori son métier. Elle se lance d’abord comme cheffe à domicile. « J’ai voulu me glisser en douceur dans le monde culinaire ». L’essai est concluant. Elle fait ses armes à Rivesaltes, près de Perpignan, avant de rencontrer Alan Geaam à Paris. Cuisinier étoilé de (grand) talent, autodidacte lui aussi (qui se ressemble s’assemble, ne dit-on pas ?), le chef libanais offre une chance unique à Sophie Reigner, qui devient successivement cheffe de partie pour l’AG Saint-Germain, puis cheffe exécutive dans le restaurant bistronomique AG Les Halles à son ouverture en 2015.
« Avec son parcours atypique, Alan m’a laissé une grande part de liberté en cuisine. Originaire du Liban, il tenait à ce que j’associe les saveurs orientales à la cuisine française traditionnelle, tout en y ajoutant ma touche bretonne ! C’était un travail d’équilibriste, d’ajustement permanent ». Sans formation culinaire, Sophie s’est elle-même aiguisé les papilles en dégustant le travail de ses pairs. « C’est en affinant ses goûts, en découvrant de nouvelles associations, de nouvelles saveurs, qu’on peut déterminer ce qui nous plait et ce qu’on a envie de faire ».
Après 4 ans dans les cuisines d’Alan Geaam, la cheffe prend son envol. L’envie était là, la conjoncture a fait le reste. « Alan souhaitait vendre, il m’a épaulée dans ce projet que je murissais depuis quelques temps. C’était le moment de me lancer ! ». Dotation Jeune talents du Gault & Millau en poche, elle se met en quête de « son » local. Fini Paris, retour en terre natale. « Je suis née à Nantes, j’ai vécu 25 ans en Bretagne, et j’avais envie de retrouver ce territoire en m’installant à Vannes, qui attire autant les locaux que les touristes ». Sophie Reigner pose ses valises non loin du quartier Saint-Pattern, terre de restos. Elle donne un coup de jeune et ajoute sa touche féminine à la voûte blanche et aux poutres métalliques de l’ancien établissement, pour une ambiance à la fois cosy et moderne. L’effet est réussi : on s’y sent bien et on y resterait sans problème quelques heures, à admirer le banc de poissons en origami qui nous accueille dès l’entrée.
Revenue sur ses terres d’origine, Sophie Reigner est d’ailleurs comme un poisson dans l’eau. « La Bretagne possède un terroir extrêmement riche et qualitatif. C’est un bonheur de travailler avec ses produits. C’était très important pour moi de me fournir à la source, directement auprès des producteurs ». En effet, la carte pourrait presque bénéficier d’une AOP : la majeure partie des produits viennent du Morbihan ou de la Bretagne !
On aurait pu craindre que la cheffe se brûle les ailes au vu de son court passage « officiel » en cuisine. Mais c’était sans compter la force de caractère qui l’anime et son expérience de la vie professionnelle. Il faut dire que la table est bonne. Excellente même. En entrée, une association foie gras/anguille fumée relevée d’une gelée de saké (français, le saké !), accompagnée d’une tuile de sarrasin, nous met tout de suite dans l’ambiance. Jeu de textures, touches peps et longueurs en bouche. Tout y est. Et cette note iodée, évidemment !
Car c’est là tout le principe… « Le concept de Iodé s’est imposé à moi comme une évidence. Ce n’est pas un restaurant de poisson. Ce n’est pas non plus un restaurant terre-mer, ajoute-elle, nous faisant languir… C’est plus que ça… J’avais envie de raconter une histoire autour de la saveur iodée en elle-même. C’est le fil conducteur. Que ce soit par les herbes, les produits marins, l’eau de mer… on va retrouver tout au long du repas cette touche de salinité ».
Et c’est maitrisé. En atteste son plat signature, pigeon en deux façons/topinambour/jus de pigeon à la sardine. Outre une cuisson remarquable, c’est l’équilibre parfait entre les éléments du plat qui nous achève : le tartare de sardine et salicorne, si puissant dégusté seul, se fait tout doux associé à une croquette de pigeon confit panée au sobatcha (sarrasin torréfié). En accord boisson, la maison propose un surprenant cidre au sarrasin, justement. Rond et puissant, il se marie tellement bien avec le plat qu’on se demanderait presque pourquoi on tient tant à associer viande et vin !
Aux fourneaux, trois femmes : deux cuisinières et une pâtissière. « Mais c’est Julien Noray, avec qui j’ai travaillé chez Alan Geaam (il y est toujours), qui signe la carte des desserts. Pâtissier autodidacte lui aussi, il a accepté le challenge de saliniser le sucré ! ». On confirme avec le dessert chocolat/ citron/eau de mer. Explosion en bouche garantie !
Iodé a ouvert pour la Saint-Valentin, le 14 février dernier. Depuis, l’histoire d’amour avec les Morbihannais semble continuer, puisque le restaurant ne désemplit pas. « J’avais envie de faire une belle cuisine avec des produits simples, et de permettre aux gens de faire des découvertes culinaires. Pour moi c’est gagné quand, à la fin du repas, les clients me disent « J’ai compris ce que vous vouliez faire ! » ». En tout cas, nous on a compris une chose : il va falloir y retourner pour déguster le reste de la carte…
Iodé
9 rue Aristide Briand,
56000 Vannes
Ouvert du mercredi midi au dimanche soir
Menus midi : entre 27€ et 52€
Menus soir : entre 42€ et 72€
Mots-clés : Vannes Restaurant - Cheffe Sophie Reigner - gastronomie bretagne