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Soleil d’Est, chant du cygne pour le meilleur canard laqué de Paris

Ecrit par Yin-Line Chea le 25.10.2019

Soleil d'Est est le premier restaurant chinois étoilé de la capitale depuis qu'il a reçu l'honorable distinction en 1999. Caché dans le 16e arrondissement de Paris, nous nous apprétons à dire au revoir à ce pilier de la scène culinaire parisienne, non sans regret, car nous ne nous attendions pas a déguster un tel canard laqué, de loin le meilleur.



Le restaurant est connu des plus grands chefs parisiens, Thierry Marx et Cyril Lignac les premiers, en toute discrétion, et pourtant, c’est la première fois que nous avons le privilège de nous y rendre. Non loin de la belle-dame de fer, à l’écart de l’agitation touristique, un véritable palais asiatique se tient, comme sortant d’un conte d’une autre époque. Imposantes façades sculptées de bois sombre aux reflets écarlate, balcons illuminés de petites lanternes chinoises sous un toit qui rappelle l’architecture traditionnelle, tel un long dragon allongé sur les hauteurs du restaurant. Deux lions de pierre blanche protègent et accueillent fièrement à l’entrée de la maison. Ici, on le comprend facilement, on ne sert que de la grande cuisine. 

Soleil d’Est, premier restaurant chinois étoilé de la capitale, est l’héritage de M. Chen et sa famille. En fuyant la révolution culturelle dans les années 70, il choisit la France pour poursuivre ses rêves de gastronomie. Formés dans de belles maisons à Shanghai et à Hong Kong, il met alors son savoir-faire à l’épreuve des exigences de l’art culinaire français dans son premier établissement parisien en 1993. Rapidement repéré par les Gault & Millau et Pudlo, c’est la consécration en 1999, et M. Chen devient le premier chef chinois étoilé de France. Une fierté qui a rayonné bien plus loin qu’autour de sa famille, toute une communauté de déracinés se souvient encore de ce moment de reconnaissance.


Mme Chen officie encore mais a pris les commandes de la cuisine. Les doux effluves de l’empire du Milieu sont maintenant teintés d’un parfum maternel, et cela depuis quize ans que son mari a disparu. À la table des Mandarins, le service et le savoir-faire sont pourtant toujours au rendez-vous. Nous commençons par un joli amuse-bouche de ravioli frit de tourteau et champignons, et sa salade d’algues croquante et saisissante de fraîcheur. S’en vient alors la délicate entrée de fleurs de courgettes farcies à la langoustine et à la chaire de tourteau. La farce liée au blanc d’oeuf est d’une finesse en goût et en texture, bien loin des sauces trop souvent huileuses ou épaissies à la fécule. Les cuisses de grenouilles sautées au gingembre frais, sel de Guérande et poivre de Sichuan sont tellement gourmandes qu’on s’en lèche les doigts sans pudeur ! 


Vient enfin le moment du fameux canard laqué en trois services. Il a fait la renommé de la maison, et nous savons qu’il faut au moins trois jours pour obtenir cette peau d’une finesse et d’un craquant exceptionnel. Le service se fait à table, dans les règles de l’art, et nous ne sommes pas déçus. Dorée, laquée, et délicieusement parfumée, nous dégustons ce met d’exception aussi simplement que l’exige la tradition, sur une fine galette de blé avec un peu de sauce hoisin et des brins de concombre. Le canard est par la suite emporté en cuisine pour être cuisiné et servi sautés avec des nouilles sautées et en bouillon clair. Le canard de M. Chen, espèce hybride croisée uniquement sous l’impulsion de la passion du chef étoilé, allie les propriétés du canard chinois indispensables pour obtenir ce laqué exceptionnel sur la peau, ainsi que les qualités gustatives du canard français, charnu et subtilement poivré. Une cuisine fusion avant-gardiste qui a justifié son étoile.

Nous reviendrions avec plaisir déguster la poularde de Bresses sautée au piment ou encore le pigeonneau aux cinq parfums, mais le Soleil d’Est se couche et Mme Chen tire sa révérence. “Les enfants sont grands et je veux profiter de ma vie de grand-mère !”, en effet les enfants de M. et Mme Chen ont pris des voies différentes mais jamais loin de l’art de nourrir, comme Georges Chen qui a créé sa start-up de Moringa, produit en bio au Cambodge, “les superfood c’est le futur” valide la restauratrice. Une retraite bien méritée pour peut-être d’autres projets futurs tout aussi gourmands.
 


CHEN Soleil d'Est
15 Rue du Théâtre,
75015 Paris

 

Mots-clés : restaurant chinois paris - chine 15e arrondissement - canard laqué

 

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