Obtenir une table à l’Osteria Francescana relève du chemin de croix. Elu Meilleur restaurant du monde en 2016 par le magazine Forbes, le restaurant du chef Massimo Bottura, connu pour ses créations ambitieuses et ses actions contre le gaspillage alimentaire, ne désemplit pas. Nous avons eu la chance de vivre l’expérience « Bottura ».
Jazzy, sweety, funny : l’univers déroutant de Massimo Bottura
Il est des moments que l’on espère plus que d’autres, principalement parce que les attentes qu’ils suscitent et l’investissement qu’ils requièrent sont immenses.
12h30 – l’Osteria Francescana ouvre ses portes. Un rituel immuable depuis 22 ans qui déclenche depuis le 13 juin 2016 - jour de l’annonce du classement des World’s 50 Best Restaurants - une fébrilité particulière dans la poignée de clients qui patientent devant l’entrée. Les yeux sont brillants de pouvoir pénétrer dans celui qui est considéré comme le « Meilleur restaurant du monde ».
L’expérience démarre dans l’atmosphère ouatée propre aux instants lourds d’émotions. On se laisse bercer par les gestes familiers et rassurants de la cérémonie du service jusqu’à que l’apéritif vienne annoncer véritablement le début du voyage.
Il faut oublier l’itinéraire classique de la dégustation, accepter d’élargir son champ de vision et d’emprunter des chemins détournés. Bottura casse les codes du parcours culinaire, brouille les cartes, perturbe le signal. Il s’amuse. Sans aucun doute il s’amuse et prend un plaisir non dissimulé à tracer des routes nouvelles avec l’impertinence un poil agaçante des enfants surdoués. Cet amoureux du jazz aime le rythme, le swing, la couleur dans la musique.
Dans la réalisation, un format de menu atypique : sur une tonalité majeure sucrée, une quinzaine d’assiettes se succèdent. Une série dans laquelle il semble difficile d’identifier un plat principal et qui s’apparente plutôt à un enchainement d’entrées et de desserts, voire d’entrées ou de desserts, tellement le chef exploite à sa guide les saveurs sucrée, salée, acide, amère et umami.
Ainsi, le salé s’invite en dernière partie du repas. Est servi un savoureux « croccantino of foie gras» en mignardise, ou encore une mystérieuse « Apple » composée de pomme cuite, de foie gras et de truffes. En proposant ce plat à ce moment-là de la dégustation, Bottura non seulement bouleverse le déroulé habituel du menu, mais aussi inverse les proportions de goût du classique foie gras/chutney.
Bottura reprend les recettes traditionnelles de la cuisine italienne pour mieux les décomposer, puis les retraduire à sauce, avec beaucoup d’audace et d’humour, rendant souvent le client complice de son espièglerie. Sa pizza/bière en est une parfaite illustration, le chef n’hésitant pas à proposer une version décalée de cet accord populaire, à mille lieues des standards de la haute gastronomie. Visuellement, la pizza a complètement disparu, mais les goûts sont bel et bien tous là, parfaitement restitués. Même esprit donné au « Pop corn » et même objectif atteint. Régressif, incongru, réjouissant.
Bottura met de la citrouille dans le tiramisu, trompe l’œil avec un faux ceviche, explose la tarte au citron dans un étonnant « Oops ! I dropped the lemon tart ! ».
La virtuosité du maître éclate aux premières bouchées du « The five ages of Parmegiano Reggiano », sublime création autour de cinq parmesans de différents âges (24 à 50 ans d’âge), déclinés en autant de textures et de températures. En créant avec un seul produit un plat d’une extraordinaire richesse, le chef fait la preuve de sa maestria. Faire simple et complexe à la fois, Bottura est au sommet de son art.
Il faut néanmoins reconnaître que la prise de risque ne paie pas toujours et qu’aux plats de génie qu’on applaudit succèdent quelques créations plus décevantes. La sole légèrement trop cuite, le ceviche, sans grand intérêt. L’ordre des accords mets/boissons est également discutable quand le Sauternes, certes merveilleux, vient saturer le palais en apéritif, et que celui-ci laisse place à un saké au yuzu très acide.
C’est donc une expérience déroutante que Bottura nous invite à vivre. Elle plaît autant qu’elle dérange. À chaud, les émotions qu’elle suscite sont nuancées, confuses, rendant tantôt perplexe, tantôt enthousiaste, souvent désorienté. Elle laisse finalement une impression générale mitigée.
Et puis les jours passent et ce sentiment en demie teinte évolue. Il arrive souvent que l’enthousiasme suscité par un restaurant retombe comme un soufflé dès le lendemain. C’est l’inverse qui se produit dans le cas de l’Osteria Fransescana. Ce n’est en effet qu’avec un peu de recul que l’on prend toute la mesure du talent de Massimo Bottura. Au-delà des émotions que sa cuisine génère, il réussit à donner aux personnes qui la goûtent une matière à réflexion, l’envie de revenir et de re goûter, la sensation qu’une seule fois ne sera pas suffisante pour appréhender et s’imprégner pleinement de sa créativité. Cela en fait-il pour autant le meilleur restaurant du monde ? La réponse est probablement non. En effet, il semble absurde de classer des établissements qui ont atteint ce degré d’excellence car l’expérience qu’ils offrent repose principalement sur un ressenti difficilement mesurable, basé sur des facteurs subjectifs tels que son histoire et ses attentes...
Il faut néanmoins reconnaître que la prise de risque ne paie pas toujours et qu’aux plats de génie qu’on applaudit succèdent quelques créations plus décevantes. La sole légèrement trop cuite, le ceviche, sans grand intérêt. L’ordre des accords mets/boissons est également discutable quand le Sauternes, certes merveilleux, vient saturer le palais en apéritif, et que celui-ci laisse place à un saké au yuzu très acide.
C’est donc une expérience déroutante que Bottura nous invite à vivre. Elle plaît autant qu’elle dérange. À chaud, les émotions qu’elle suscite sont nuancées, confuses, rendant tantôt perplexe, tantôt enthousiaste, souvent désorienté. Elle laisse finalement une impression générale mitigée.
Et puis les jours passent et ce sentiment en demie teinte évolue. Il arrive souvent que l’enthousiasme suscité par un restaurant retombe comme un soufflé dès le lendemain. C’est l’inverse qui se produit dans le cas de l’Osteria Fransescana. Ce n’est en effet qu’avec un peu de recul que l’on prend toute la mesure du talent de Massimo Bottura. Au-delà des émotions que sa cuisine génère, il réussit à donner aux personnes qui la goûtent une matière à réflexion, l’envie de revenir et de re goûter, la sensation qu’une seule fois ne sera pas suffisante pour appréhender et s’imprégner pleinement de sa créativité. Cela en fait-il pour autant le meilleur restaurant du monde ? La réponse est probablement non. En effet, il semble absurde de classer des établissements qui ont atteint ce degré d’excellence car l’expérience qu’ils offrent repose principalement sur un ressenti difficilement mesurable, basé sur des facteurs subjectifs tels que son histoire et ses attentes...
Mots-clés : Italie Modène - Massimo Bottura - Restaurant Déjeuner