Trouver Neige d’été, c’est un peu comme trouver une fleur d’Edelweiss, cela relève du petit miracle. Il s’agit de traverser le 15e arrondissement parisien jusqu’à la rue de l'amiral Roussain, puis de repérer l’inscription discrète en fines lettres dorées sur la devanture noir charbon. Une petite expédition que la cuisine d’Hideki Nishi vaut à elle seule la peine d’entreprendre. Des plats ciselés comme du cristal, nets, clairs et précis, à vous donner le frisson.
Il faut tout d’abord s’acclimater à l’ambiance, plutôt « frisquette », de l’intérieur. Ambiance Grand Nord : murs et mobilier blancs, applis couleur argent, nappes immaculées. Dans une cuisine largement ouverte sur la salle s’affaire la brigade, dans le silence, et avec une discipline toute nippone. Aux commandes de cette équipe presque intégralement japonaise, Hideki Nishi. Né à Matsusaka, au sud du Japon, Hideki s’installe en France en 1998 pour se consacrer totalement à la cuisine. Il fait ses classes aux côtés de Philippe Legendre au Taillevent, puis d’Éric Briffard au George V. Une formation à la haute gastronomie française qui marque sa cuisine, une cuisine française inspirée de l’esprit et des techniques japonaises. Peu d’ingrédients, des portions hyper calibrées, des cuissons précises et un soin apporté à l’esthétique des plats.
Le menu d’Hideki Nishi ne contrevient pas au principe du menu unique. Deux entrées, un poisson, une viande au choix et deux desserts. Bunpei Someya, ex-sommelier du Senderens, orchestre les accords mets/vins et déroule une carte - sur tablette tactile - qui fait la part belle aux références bourguignonnes et sudistes.
Le constat survient dès la première entrée : le véritable éclat de Neige d’Été émane de l’assiette. Équilibre parfait entre le Toro de thon de méditerranée et les légumes en escabèche, calibrés aussi fins que des grains de semoule, le tout relevé par un vieux vinaigre de Chardonnay. On est déjà au sommet. S’en suit un terre/mer de ris de veau et langoustine. L’harmonie de l’accord ne saute pas aux yeux, on reste un peu circonspect, mais l’ensemble est parfaitement réalisé.
Parfait mariage en revanche du risotto aux cèpes et de la lotte. On reste en altitude avec le carré de cochon grillé au bois de chêne binchotan. Cette technique de cuisson typique de la région de Wakayama est parfaitement maîtrisée, la viande est respectée, tendre et savoureuse. Sur ce dernier plat (signature de la Maison), on retient l’excellent accord proposé par Bunpei Someya avec un Nuit Saint Georges « les quatre vignes » du domaine Dominique Laurent.
Les desserts sont tout aussi brillants : une première assiette, fine et délicate, autour de la poire du safran et du yaourt. Puis une seconde création, plus audacieuse ou la fraicheur d’une glace à l’érable et le craquant de la meringue mettent en valeur la patate douce, douce et onctueuse. On salue la belle harmonie des tons automnaux.
À l’heure de redescendre à altitude normale, on ne peut s’empêcher de ressentir une légère pointe de frustration de conclure ce voyage insuffisamment repu, repu comme il est de tradition en France, parfois un peu trop lourde et fatiguée par tant de vin et de nourriture. Un sentiment qui se dissipe aussi vite que le brouillard sur la neige et qui laisse place au plaisir un brin grisant de repartir léger et satisfait, avec l’envie accrue de refaire sans attendre l’ascension jusqu’en haut, jusqu’à Neige d’été…
Neige d'Été
12 rue de l'Amiral Roussin
75015 Paris
Mots-clés : paris neige - gastronomique chef - sommelier