Plat du jour - Environnement

Urbanisme, défrichement, préjudice écologique : comprendre la loi Biodiversité

Ecrit par OB-Wan Sashimi le 17.06.2016

Au cours de la commission mixte paritaire, la Commission développement durable de l’assemblée a repris le texte de la loi Biodiversité. Avec 101 amendements adoptés, il reste toutefois 58 articles à discuter. L’association Humanité et Biodiversité vient de brosser un tableau global des échanges intervenus entre les députés. Avec dans l’idée que « les dégâts » des précédentes lectures et discussions ont été pour partie réparés.


Vulcain
Julie Missbutterflies, CC BY SA 2.0
 
 

De nombreuses dispositions supprimées en 2e lecture par les sénateurs ont été restaurées par les députés. Humanité et Biodiversité salue le travail réalisé par la Commission développement durable et la rapporteur Geneviève Gaillard. Concernant les principes généraux du code de l’environnement, on peut citer parmi les évolutions positives :

• la reconnaissance des paysages nocturnes ;
• la reconnaissance du rôle des sols dans la constitution du patrimoine commun de la Nation ;
• la restauration de l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité dans la compensation écologique et du principe de non-régression du droit de l’environnement ;
• ou encore la restauration de l’application de la solidarité écologique à l’ensemble des territoires.


En termes de planification, le Schéma régional des carrières devra prendre en compte l’ensemble du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et plus seulement les dispositions relatives à la biodiversité. Par ailleurs, un rapport est exigé sur l’utilisation de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles. Concernant l’Agence française pour la biodiversité (AFB), la mission d’évaluation des dommages agricoles par les espèces protégées est supprimée (car elle est déjà réalisée en partie par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage), tout comme la direction commune sur la police prévue entre ces deux établissements.

 

Dans le domaine de l’eau, nous saluons la restauration de la compétence des agences de l’eau sur la biodiversité terrestre, pierre angulaire du financement des actions de la future AFB ainsi que la réforme de la gouvernance prévoyant un collège dédié aux acteurs non économiques dans les Comités de bassin. La remise en cause du principe d’effacement des obstacles à la continuité aquatique a heureusement été supprimée. Enfin, les députés ont interdit l’installation de poteaux creux, mortels pour l’avifaune.

 

Les marqueurs du projet de loi renforcés


Dans le domaine agricole, les députés ont voté l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes au 1er septembre 2018 et un moratoire de 2 ans à partir du 1er janvier 2017 sur les variétés de colza et tournesols rendues tolérantes aux herbicides par mutagénèse (nouvelle technique pour obtenir des OGM).


Du point de vue de la fiscalité, les députés ont rétabli la taxe sur l’huile de palme dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, avec une augmentation progressive jusqu’à 90 € en 2020. Concernant l’accès et le partage des avantages liés à l’exploitation des ressources génétiques, plusieurs évolutions notables sont à souligner, tel le retour au plafonnement à 5 % du chiffre d’affaires pour le calcul de l’éventuelle compensation financière aux communautés d’habitants.

 

Dans le domaine maritime, le dragage des fonds marins est interdit, sauf si cela est nécessaire aux flux maritimes et les modifications des règles d’opposabilité relatives à la loi littoral sont supprimées. Par ailleurs, l’obligation de conduire des recherches sur le milieu marin lors d’activités autorisées en zone économique exclusive a été adoptée afin de mieux connaître les écosystèmes marins et leur fonctionnement.


Concernant la compensation écologique, les députés ont supprimé la disposition disant que les mesures compensatoires ne doivent pas remettre en cause un projet public et rétabli les objectifs des mesures compensatoires, la non-autorisation du projet si ses impacts sont non compensables, et l’obligation de mise en œuvre des mesures durant toute la durée des impacts. Le mécanisme des obligations réelles environnementales a également été consolidé.


Enfin, une rédaction plus étendue et juridiquement plus sûre de la non-brevetabilité du vivant a été validée tandis que les zones prioritaires pour la biodiversité et l’espace de continuités écologiques dans les documents d’urbanisme (dans sa version légère), ont été réintroduits.

 

Des ajustements sur le préjudice écologique et l’article réformant le défrichement


L’article 2 bis relatif au préjudice écologique a été modifié en profondeur. Les députés sont revenus sur la définition du préjudice, issue des travaux de l’Assemblée. Ils ont prévu une ouverture plus large de l’action en justice et n’ont pas prévu, comme le souhaitait le Sénat au cours de sa deuxième lecture, de condition relative au coût manifestement disproportionné de la réparation pour la condamnation au versement de dommages et intérêts. A contrario, l’attribution des dommages et intérêts serait « fléchée » vers la seule réparation du préjudice et le délai de prescription serait ramené à dix ans sans délai butoir. Ces modifications importantes nécessitent bien sûr une analyse juridique approfondie.

 

Concernant le défrichement, les députés ont supprimé les exonérations de compensation accordées par les sénateurs aux jeunes agriculteurs et aux producteurs de truffes, ce qui est positif pour les forêts françaises. Ils ont, par ailleurs, conservé la compensation par l’État du coût supporté par les collectivités pour la mise en œuvre du dispositif d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en sites Natura 2000. Enfin, ils ont restauré le coefficient multiplicateur de la compensation de certains défrichements, prévu dans certains cas.

 

Certains problèmes encore non résolus


Une marge de progression encore importante existe sur le texte de loi. En effet, certains principes restant en lice doivent être remis en cause. C’est le cas du principe d’utilisation durable de la biodiversité dont l’application juridique pose de nombreuses questions, et le principe de complémentarité entre l’environnement et certaines activités (agricoles, sylvicoles et aquacoles), qui ne fait aucune distinction entre les pratiques.

 

Concernant l’Agence française pour la biodiversité, il n’y a toujours pas de conseil d’administration resserré et aucune ressource affectée lui permettant de réaliser l’ensemble de ses nouvelles missions (et non de fonctionner à budget constant).

 

Dans le même sens, l’article visant les chemins ruraux mérite d’être amélioré dans l’intérêt de l’ensemble de ces usagers. Nous regrettons également le recul sur l’encadrement de la publicité dans les parcs naturels régionaux et l’interdiction des plastiques dans les cotons-tiges, repoussée à 2020, sachant qu’elle constitue une avancée notable contre la pollution marine.

 

Un bilan positif à conserver !

 

Pour conclure, le bilan est positif pour cette 3e lecture en commission. Au total, vingt-quatre de nos propositions ont été adoptées par les députés. Le texte est nettement amélioré, mais encore insuffisant pour lutter efficacement contre l’érosion de la biodiversité. Ainsi, nous espérons que les députés conforteront ces avancées et iront encore plus loin lors de la séance plénière du 21 au 23 juin. Humanité et Biodiversité et ses partenaires associatifs (FNE, LPO, FNH et ANPCEN) veilleront en ce sens.

 

Mots-clés : loi biodiversité assemblée - reconnaissance paysages nocturnes - compensation écologique environnement

 

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https://7detable.com/article/environnement/urbanisme-defrichement-prejudice-ecologique-comprendre-la-loi-biodiversite/645