C’est connu, les Français maltraitent le mieux la cuisson des pâtes. Inviter à sa table des Italiens, et leur proposer ce qu’ils maîtrisent le mieux revient à faire frire l’amitié transalpine. Raison pour laquelle nous avons bâillonné et enfermé notre petite Cucinella, tandis que l’on ouvrait Pasta Magiques. Le principe du One Pot Pasta a fait fureur l’année passée, en s’appuyant sur l’idée que l’on peut jeter une farandole d’aliments dans une marmite, et attendre que tout cuisine. Séduisant...
Au commencement, il y avait l’eau que l’on fait bouillir – et dans laquelle on ne met le sel qu’au moment où elle bout, malheureux ! Puis, Dieu voyant que cela avait de la gueule y jeta un assemblage d’œufs et de farine. Les pâtes venaient de voir le jour. Bien installé dans ses quartiers du Vatican, Dieu mangeait ses pâtes, installé devant la télé, à regarder la Création se faire.
Puis, vint l’Homo Faineantosis. Branche déviante de l’Homo Sapiens. Il se distinguait de l’Homo Cuisinandus par son désir de faire vite, bien, et bon, si possible. Le One Pot Pasta allait voir le jour. Et dans l’ouvrage de Sabrina Fauda-Rôle, il trouva son accomplissement. Recette simplissime : réunir des ingrédients, en respectant les proportions scrupuleusement, mettre un fond d’eau, et laisser le charme agir. On aurait pu croire à de la réclame pour un déodorant.
Séduit par l’odeur alléchante, l’Homo Faineantosis se disait qu’avec un pareil système, il se débarrassait de toute nécessité de cuisiner : les aliments allaient mijoter, au besoin, il fallait touiller un chouia, et attendre le délai imposé par la recette. Il avait bien raison d’espérer : ça fait vivre. Mais dans les faits...
D’abord, il faut reconnaître que les photos réalisées par Akiko Ido sont absolument magnifiques : ces visuels avant/après donnent l’eau à la bouche, en quelques secondes. Les recettes sont également appétissantes : des choses les plus simples, aux propositions les plus indécentes, on se pourlèche les babines. Les Orechiette primavera, avec brocolis, fèves (oubliez le surgelé !) et haricots verts, sont fantastiques. Le mélange artichauts et lardons est un concentré de bonheur, et les blettes à la poitrine fumée avec pulpe de tomates...
Bref, tout cela regorge de promesses qui eurent sur l’Homo Faineantosis l’effet d’un café ristretto après huit heures d’avion : orgasmique. Sauf qu’en réalité, non : avec cette méthode, la cuisson des pâtes fait que vous allez manger non pas al dente, légèrement croquant encore, mais assez molles. Cela tient notamment au fait qu’une fois le temps de cuisson achevé, il faut encore patienter deux minutes, que la sauce prenne plus de consistances : les pâtes continuent de cuire...
Ensuite, si le concept est amusant à tester – et fonctionne, outre la cuisson – plutôt bien, il fait perdre le plaisir de ce temps passé, un verre de Fitou à la main, à discuter, le temps que tout se prépare. Et surtout, le principe est assez contraignant : il faut respecter à la lettre les proportions, sous peine de rater sa sauce, et ainsi de suite.
L’Homo Faineantosis fut finalement mitigé : lui qui visait le rapide, facile et bon, se retrouva avec un peu des trois, sans réellement obtenir le Triumvirat culinaire parfait. « Probablement parce que ce dernier n’existe pas », se dit-il, en finissant son assiette. « Au moins, me suis-je bien amusé à préparer mon plat », reconnut-il sans peine. S’amuser en cuisinant, c’est déjà un bon début, non ?
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