Pessah, autrement dit pour les non-initiés la Pâque juive (jusqu'à samedi, à la tombée du jour), célèbre la sortie d’Égypte et donc la fin de l’esclavage des Hébreux. Mais si, souvenez-vous, Charlton Heston dans les Dix Commandements, ou comment Cecil B DeMille a réussi à rendre sexy un personnage biblique. Le contexte historico-religieux étant posé, la seule et vraie question qui compte pour tous les obsédés de l’estomac : À Pessah, on mange quoi ?
Photo YJN
La question ne se pose pas en ces termes, mais plutôt en : Que n’a-t-on pas le droit de manger ? La liste est longue et peut varier selon que l’on est juif Ashkénaze ou Séfarade (juifs pays de l’Est vs juifs du bassin méditerranéen, pour faire un résumé à la serpe). Pour faire court, sont proscrits tous les produits issus des cinq céréales suivantes : blé, orge, avoine, épeautre, seigle. Les Ashkénazes rajoutent dans la liste : le riz, maïs, millet. Et bien sûr le levain est banni.
Pessah dure huit jours. Le pain est remplacé par des galettes de pain azyme (Matsa ou Matsot au pluriel). Il en existe deux grandes sortes : la fine ashkénaze de forme rectangulaire et une plus épaisse, ronde, l’oranaise donc sépharade. Il en existe également des parfumées à l’orange, au vin. La matsa tient pendant une semaine le rôle de la baguette.
Les deux premiers soirs (Seder) chaque famille, qu’elle soit ashkénaze ou sépharade prépare des mets traditionnels, héritage familial identique et pourtant différent dans ses nuances. Autant de famille que de recettes. Les soirs de Séder les juifs ashkénazes proposent une soupe à base de boulettes de poudre de farine de Matsa, les Juifs séfarades se régalent d’une soupe de fèves, sans oublier les plats de viande, de poisson et la charcuterie casher. Il y a aussi les aliments obligatoires présentés sur le plateau de Seder à consommer les deux premiers soirs : des matsot, des herbes amères, symbole de la sortie d’Égypte, un œuf et le Harrosset, qui symbolise le mortier avec lequel les Hébreux fabriquaient des briques pour les Égyptiens, à base de pommes râpées, d’amande ou de noix, de raisins secs, de dattes, de gingembre, de cannelle, de sucre, de vin ou de jus de raisin. Tout est question de symbole, tout est symbole sur le plateau de Séder.
Quid des célèbres pâtisseries juives lors de cette période où farine et levure sont proscrites ? Et bien, on s’amuse à en faire à base de farine de matsa et sans levain (pour ça beaucoup d’œufs). C’est possible et souvent délectable comme les sféliets, spécialité oranaise, petites choses rondes à base de matsa, d’œuf, de fleur d’oranger, que l’on frit et que l’on plonge dans le miel.
Le dernier soir de Pessah le pain reprend sa place à table pour signifier la fin de l’errance des Hébreux. Il existe une tradition bien particulière, propre à certains juifs oranais pour qui le strict respect des diktats religieux ne devait pas prendre le pas sur le plaisir gustatif. Ils nomment cela la Mimouna ou comment présenter le dernier soir de Pessah une table croulante sous les gâteaux à base de farine de blé ! Madeleines, cigares aux amandes, cigares au sucre, nougat maison, petites saucisses aux épices, montécados, mécrodes etc. Ici la tradition familiale met ko la tradition religieuse pour le plus grand bonheur des gourmands…
Tradition et rites religieux très codifiés se confondent et se fondent. Pour les pratiquants occasionnels, les coutumes familiales l’emportent sur le strict respect des dogmes. Pessah c’est aussi un enfant qui tartine de beurre sa galette oranaise, la saupoudre de chocolat et la croque à l’heure du goûter, c’est la joie de casser sa galette en petits morceaux dans son chocolat chaud et plonger sa cuillère dans le bol fumant de l’enfance, pour un instant un instant seulement, revivre cet instant retrouvé…
Mots-clés : Pessah - Pâque juive - galette