Le très talentueux François Daubinet s’est associé au street artist Hopare pour créer un entremets œuvre d’art, une création éphémère qui pose la question de l’art, de la matière, de la temporalité de l’œuvre. Pensée par les deux artistes, cette création artistique comestible est une réflexion sur le processus créatif. Un pari osé et totalement réussi qu’ils proposeront dans une boutique éphémère où les deux artistes feront la démonstration de leur talent. De l’art à la matière.
François Daubinet - Photo : Stéphane de Bourgies
Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Où commence l’art ? L’art peut-il être éphémère voire comestible ? Une création pâtissière résulte-t-elle forcément de l’artisanat ou peut-elle s’inscrire comme une œuvre à part entière ? Une œuvre doit-elle être unique pour être une œuvre d’art ou peut-elle être déclinée à l’infini et garder son statut d’œuvre d’art ? Ces questions dignes d’un devoir philosophique ou d’un article dans Beaux-Arts trouvent une réponse dans la réalisation de François Daubinet et de Hopare. Pensée, réfléchie à partir de la matière brute, un bloc de chocolat moulé par le chef pâtissier de la maison Fauchon, la création devient sculpture. La sculpture devient un moule reproduisant à volonté l’œuvre sculptée par Hopare à partir du bloc de François Daubinet. Leur création s’inscrit dans le mouvement Pop Art des années 60 dont Andy Warhol fut le fer de lance le plus emblématique.
Revenons à la genèse de cette œuvre unique dans sa démarche. François Daubinet est connu et reconnu pour ses talents de chef pâtissier. Créatif et audacieux, il a su bousculer la Maison Fauchon. Si ses créations sont connues, son parcours l’est moins et cache une personnalité riche en complexité et en questionnement. Enfant, il rêvait de devenir vulcanologue. La matière volcanique l’attire. Cette matière incandescente, brûlante, déferlante, rougeoyante et sombre se transforme comme par magie en se figeant. Polie, émaillée par les hommes on découvre une lave lisse de couleur verte aux veinures blanches et noires. Cette fascination pour la transformation de la matière est la pierre angulaire de la carrière de François Daubinet. La vie l’amènera à croiser à quinze ans les Compagnons du Devoir et plus particulièrement à assister à la transformation du sucre en sculpture. La matière encore une fois, vivante, changeante, lui fera embrasser l’apprentissage rigoureux des Compagnons du Devoir où il fera ses classes avant d’entamer son tour de France comme il est de coutume pour valider ses années d’étude.
La pâtisserie, comme l’explique François Daubinet, est, de fait, la transformation de la matière. Pour paraphraser le jeune Chef Pâtissier, un kilo de sucre ne fera jamais un dessert, un kilo de farine ne fera pas un dessert non plus s’il n’est pas transformé alors qu’un steak pourra faire un plat même s’il n’est pas agrémenté. De cette fascination pour la matière, François Daubinet en a fait une force créatrice. Poussant toujours plus loin sa réflexion il suit depuis 5 ans des cours du soir au Musée des Arts Décoratifs de Paris. L’alliance de son savoir-faire de Chef Pâtissier et son goût pour les arts devaient aboutir un jour ou l’autre à la création d’une œuvre d’art.
Début 2020, avant le grand chambardement, François Daubinet fait la connaissance lors d’un vernissage du Street Artist Hopare. Entre les deux créatifs le courant amical passe aussitôt ainsi que l’idée de créer ensemble une œuvre atypique qui leur ressemble. Tout va très vite. L’idée créatrice, cette étincelle qui fait que l’on part du néant pour créer, cette alchimie magique presque inexplicable, s’impose à eux. Ils travailleront la matière. L’amour des volcans transparait dans Fragment, leur entremets. Un Fragment du passé, un Fragment telle une roche éclatée par la force de la nature. François Daubinet propose à Hopare de travailler sur un énorme bloc de chocolat qu’il a lui-même moulé. Le Sreet Artist sculpte la matière, il reprend ses codes, des lignes épurées, des sillons profonds comme les veinures de la roche volcanique. Fragment nait ainsi.
Fragment est une pièce de musée mais une pièce de musée à déguster. Comme la roche volcanique qui vit, bouge, change, Fragment est une œuvre vivante donc éphémère.
Si l’œuvre est réussie, belle et puissante qu’en est-il des saveurs. Cette œuvre est-elle un caprice d’artistes ou a-t-elle un réel intérêt gustatif ? Là encore François Daubinet donne la réponse avec maestria et cohérence. À œuvre visuelle en matière brute il faut des goûts francs, sincères, délicats, subtils mais sans maniérisme, sans affectation, sans complexité faussement sophistiquée.
La dégustation est un bonheur de gourmet-gourmand. Le plaisir est charnel, intense, simple, limpide. François Daubinet ose une nouvelle fois travailler la cacahuète souvent snobée par la haute gastronomie française. Il en fait une œuvre gustative avec une base savoureuse composée d’un praliné cacahuète, d’un biscuit moelleux à la cacahuète torréfiée. Le cœur du Fragment « volcanique » est un caramel coulant en fusion, agrémenté d’une crème brûlée à la vanille puissante et d’une fève de tonka. La mousse de Tonka délicate et douce enrobe l’entremets tel un parfait trompe l’œil tant l’œuvre semble « brute ».Les saveurs puissantes sont traitées avec délicatesse. Aérien, peu sucré, le jeu des textures, l’équilibre des saveurs sont parfaits. L’entremets est gustativement une œuvre d’art.
Fragment est présenté dans un magnifique écrin de couleur sombre où est imprimé une œuvre originale de Hopare. Cet écrin est numéroté et signé. Il est à lui seul une œuvre à conserver.
S’il est possible de commander et de se faire livrer Fragment dès à présent il faudra surtout le commander et le retirer dans la boutique éphémère du 22 au 24 décembre au 102 rue de Turenne dans le Marais. Là encore François Daubinet et Hopare créent l’évènement sous forme d’un happening artistique gourmand. Hopare y fera la démonstration de ses talents de Street Artist et François Daubinet fera goûter certaines de ses créations dont son fantastique chocolat chaud !
Ce sera un lieu festif, magique, hors du temps. Un lieu où la création se déclinera avec une légèreté, une bonne humeur dont l’époque a besoin.
Cet évènement prévu initialement début novembre et a dû être reporté pour cause de re-confinement. François Daubinet et Hopare ont tenu à maintenir cet happening et ont décalé les dates. Au vu des circonstances, Fragment, initialement prévu au tarif de 125€ passe à 95€. Ce sera sans doute une opération blanche pour ses deux créateurs qui financent toute l’opération sur leurs fonds propres sans l'aide d’un grand groupe, ce qui est inhabituel dans le milieu. Une opération pour l’amour de l’art. L’Art et la Manière !
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Mots-clés : François Daubinet Hopare - Entremets oeuvre d'art - street art chef pâtissier